Il y avait bien ce remaniement ministériel dont j’eusse pu développer l’inutilité dans ce billet ; après tout Borne était une excellente cheftaine et Attal est un peu jeune et inexpérimenté pour le rôle (mais aux âmes bien nées, selon Corneille, rien ne résiste, et sa nomination va en défriser plus d’un ; ce qui n’est pas pour déplaire ; nous verrons bien) ; également des sujets de préoccupations plus importants, émergeant chaque jour, à évoquer, tel Trump le psychotique, ou Poutine le nouvel « empereur et autocrate de toutes les Russies ». Il y avait le choix et je n’avais guère envie de revenir sur l’affaire Depardieu, cette tragicomédie que des acteurs, saltimbanques en mal de rôle et de publicité, ne se lassent pas de jouer chaque jour. Or, deux ou trois tirades débitées par ces tabarins d’occasion m’ont interpellé et interrogé sur leur capacité à raisonner sainement. De ces nombreux tartufes d’estrade, chacune pour soi, jouant les procureuses auto proclamées, deux cabotines d’entre elles ont débité leur réquisitoire à l’instar d’un Fouquier-Tinville ressuscité à Moscou, Pékin ou Téhéran. L’une d’elles, I. Mergault, ignorante de ce qu’est un avocat, intima avec la vulgarité qu’on lui connaît, à Béatrice Geissmann Achille qui défend Depardieu « De bien fermer sa gueule » en la traitant de « connasse » (à ce sujet il est à remarquer la bégueulerie des journaux dont la plupart scindent les mots qu’ils trouvent triviaux avec des petits points). Quant à la seconde, V. Giocante, avec une certaine délectation, elle témoigna, sans aucunement préciser date, lieu et œuvre en question, avoir vu, de ses yeux vus, « les gros doigts de Gérard plonger dans la culotte d’une figurante pour tripoter son intimité ». Et je n’évoquerai pas le troisième personnage, J. Weber, grand par la taille à défaut d’autre chose, reniant sa signature apposée la veille au bas d’une pétition. Tous trois faisant ainsi fi de la présomption d’innocence. Il n’y a pas qu’eux, car, avec la même ardeur qu’un Savonarole envoyant au bûcher ses paroissiens, des crétins théocratiques, faux culs, veulent censurer les films où joue Depardieu, ainsi que, vieilles rombières désenchantées, actrices ménopausées ou journalistes amnésiques, ils signent des pétitions contre lui quand d’autres se réveillent un matin et pensent, qu’elles aussi, du temps de leur jeunesse, elles durent subir les assauts du mastodonte. Cette meute aboyante m’effraya et me décida à changer mon fusil d’épaule.
Holà ! Bouffons d’opérette, nous ne sommes ni au théâtre, ni dans un film, ni en dictature, nous sommes en démocratie où la justice se rend dans les prétoires, dans les salles d’audience, dans le bureau d’un juge et en aucun cas sur la place publique et sommairement. La présomption d’innocence, notre habeas corpus anglo-saxon allégé, qui garantit la liberté individuelle et évite l’arbitraire, est constamment violée par vous, pisse-vinaigres envieux jouant votre partition avec la constance des prostatiques courant vers les toilettes.
Encore un mot. Laissez faire la justice, elle est non seulement impartiale mais sévère également (43 % des peines pour viol sont supérieures à 10 ans de prison). Pour vous en convaincre il n’est que d’aller assister à une session de cour d’assises en jugeant un (il y a plus de procès pour viol que pour meurtre, de l’ordre de 4 pour 1 selon mes propres estimations). Alors vous saurez, de l’accusé, des témoins, des enquêteurs, des experts, tous pressés de questions, essorés, étreints, exhortés, ce que sont les réponses, les témoignages et les comptes rendus décortiqués par le Président, l’avocat général, ceux de la défense ou des parties civiles, ce qu’est une accusation, un véritable réquisitoire, une vraie plaidoirie. Vous découvrirez l’évidence du rôle d’un avocat, loin, bien loin de vos simagrées pitoyables, ainsi que ce qu’est un vrai débat à charge et à décharge. Mais également le risque inhérent à toute non-assistance à personne en danger, si vous fûtes témoins des faits sans réagir, et si la culpabilité du prévenu est démontrée, prouvée, d’une peine équivalente à la sienne. Car le viol est un crime. Tout le reste de votre part n’est que gesticulation de Guignol avec le brigadier.
Enfin, en baissant le rideau rouge sur vos exploits déclamatoires, vous éviterez à la société de croire que vos pantomimes sont le reflet de la vérité et que notre démocratie, dont vous violez, avec les médias, actuellement les principes, devient avec vous une dictature.