Hier encore nous eûmes droit au défilé qui devient traditionnel des insatisfaits perpétuels, accompagné par la non moins traditionnelle racaille, de droite ou de gauche, extrêmement casquée ou masquée afin que la vacuité de leur esprit soit protégée et ne puisse être comblée.
Dès l’origine du mouvement dit des gilets jaunes, historiens, sociologues, philosophes et autres théoriciens admirables de ce siècle, se sont succédé dans les médias pour affirmer qu’émergeront de ce remue-ménage quelques nouveaux meneurs, ou leaders pour utiliser un anglicisme aux allures savantes, se féliciter de cette magistrale prévision et se réjouir de futurs fructueux débats éventuels avec ces penseurs surgis de nulle part.
Or, que constate-t-on après trois mois de manifestations bruyantes et déliquescentes ? Rien, sinon la mise en lumière de deux ou trois fascistes assortis d’autant de crétins et de nombreuses crapules racistes, de casseurs inconscients et de discoureurs dysentériques dont la pensée est une logomachie sur ce que doit être la démocratie.
Et je me demande qui sont les plus à plaindre : ces nouveaux meneurs à la vision étroite ou ces hiérarques anciens devenus sophrologues ?
Les révolutions des peuples sont affaires sérieuses et, décidément, n’ont rien à voir avec cette espèce de mascarade, d’agitation débridée, déstructurée qui n’aboutira qu’à ce phénomène : desservir ceux qui croyaient pouvoir en bénéficier.
Et qui, manifestant à bon droit, obtinrent ce qu’ils réclamaient.
On sait que la jaunisse, ou ictère, en devenant chronique peut provoquer, entre autres, en cas d’insuffisance hépatique sévère, une encéphalopathie qui altère généralement la fonction mentale par des troubles confusionnels, de désorientation, du comportement et de l’humeur. Or, l’excès de bilirubine qui se concentre aujourd’hui dans les rues et carrefours en les teintant de cette couleur jaune caractéristique ainsi que développant ses effets secondaires, a tout d’une maladie chronique qu’il serait grand temps de traiter.
Car, dans cette armée sans queue ni tête d’ictériques en tout genre, se révèlent de tristes individus dont les comportements, exaltés par l’impression d’impunité qu’ils ressentent et qu’ils ne peuvent éliminer, sont aux antipodes d’une réflexion sensée.
Car enfin, que sont ces pseudos démocrates qui cassent tout, dégradent, brûlent, appellent à la démission un président élu, menacent des députés eux aussi élus, rejettent des journalistes, boxent des policiers, frappent, menacent de mort ceux qui ne pensent pas comme eux ou ceux issus de leurs propres rangs et qui voudraient les représenter, que sont-ils sinon des fascistes ?
Pourquoi appeler au meurtre de ce caricaturiste, Alex, dont le dessin(1) en exergue ne plaît pas plus que celui du prophète n’avait plu aux tarés qui ont assassiné au siège de Charlie hebdo, pourquoi sinon agir comme ces derniers ?
Pourquoi murer la demeure d’une députée, brûler les voitures d’une autre, menacer de mort plusieurs autres de leurs collègues, pourquoi sinon pour installer la peur, l’angoisse au sein de la société ?
Quel est le mobile de ces quelques enragés annonçant vouloir envahir l’Élysée et, faute de le pouvoir, détruisent la porte d’un ministère pour y pénétrer et perpétrer des exactions, quel est leur mobile sinon inciter à l’insurrection, ignorant que nous vivons en démocratie ?
Que veulent-ils donc ceux qui bloquent le passage à ceux qui n’arborent pas un gilet jaune derrière un pare-brise, que veulent-ils sinon imposer leur loi ?
Qu’espèrent-ils en exigeant un référendum populaire ou citoyen, qu’espèrent-ils sinon faire voter pour tout, n’importe quoi et son contraire dès que l’envie surviendra ?
Qu’attendent-ils d’une prétendue démocratie horizontale ou directe sans leader, totalement désorganisée, qu’attendent-ils sinon le chaos ?
À quoi sert ce blocage d’une économie déjà vacillante, à quoi sert-il sinon provoquer la pénurie pour mieux déclencher une guerre civile ?
Combien de temps supporterons-nous encore cette déliquescence qui ne vise qu’une chose : renverser la république pour installer un autre pouvoir ; lequel ? le savent-ils eux-mêmes ces révolutionnaires d’opérette ?
Au début ce mouvement m’agréait lorsque, bon enfant, il s’agissait d’encombrer passages piétonniers ou carrefour. Mais cela ne dure qu’un temps, celui d’obtenir satisfaction aux récriminations, retrouver apaisement par plus de justice. Elle fut longue à venir cette obtention, long à se dessiner cet apaisement, mais tous deux émergèrent enfin après les hésitations, les atermoiements de nos dirigeants.
Aujourd’hui ce délabrement de mouvement m’horripile.
Car, ne vous y trompez pas, et malgré le soutien récupérateur de quelques personnalités qui se prétendent insoumises et qui ne sont en réalité que des fantoches attachés, liés, soumis à la seule opportunité, cette meute jaune qui déferle comme une armée de Playmobil n’obtiendra rien de plus que ce que le gouvernement a concédé et qui déjà est beaucoup, quand bien même s’installerait-elle définitivement dans ces campements insalubres, répugnants, car une démocratie ne se peut gouverner sous la contrainte de quelques excités.
Dans ses mémoires de guerre(2), Ernst Jünger, capitaine de la Wehrmacht, mais qui au péril de sa vie tant il abhorrait le régime nazi saluait militairement les juifs qu’il croisait affublés d’une étoile jaune, notait que dans toute armée se produisaient des abus : » Cela demeure insignifiant, à condition que le sens de l’honneur ne se perde jamais. « ajoutait-il.
En l’état, j’ai bien peur qu’un nombre croissant d’entre ces révoltés ignore ce que signifie le mot honneur, n’ayant nul dictionnaire téléchargé dans la cervelle. Et pour ma part, si je peux saluer amicalement certains gilets jaunes il en est d’autres, extrémistes sans conscience, à qui je tourne le dos.
(1) Le Courrier Picard
(2) Ernst Jünger – Journaux de Guerre – 1939-1948 – La Pleiade (page 176-Bourges , 30juin 1940)