Une retraite à l’ADN

9 décembre 2019 § Commentaires fermés sur Une retraite à l’ADN § permalien

Schéma Wikipédia

      À propos de la réforme des retraites, dont on ne sait pas grand-chose encore et contre laquelle on manifeste déjà, j’entends quelques uns évoquer la nécessité de prendre en compte l’espérance de vie dans les négociations ou les propositions pour en déterminer les paramètres ; soit en fixant individuellement l’âge, sans doute, atteint pour prétendre cesser son activité, soit imposer une durée limitée pour verser le montant de la pension à laquelle une carrière donnerait droit, ne distinguant pas d’autres solutions, car, disent-ils en schématisant, les cadres vivent plus vieux que les manuels. Je ne sais laquelle de ces deux propositions serait plus débile que l’autre. 
     Dans l’esprit de ces théoriciens rances, la mort est sans doute prédéterminée. Ce qui est relativement vrai, mais jamais à date escomptée. Car si, le hasard étant un grand farceur, un individu pas intellectuel du tout se mettait à vivre, grâce à sa génétique ou à son hygiène de vie, plus longtemps que prévu, lui supprimerait-on alors sa pension à la date précise à laquelle il eût dû quitter les listings de la caisse de retraite ? Et à l’inverse, si par maladie, stress ou autre cause par exemple accidentelle, un second individu en rien bricoleur venait à mourir avant l’heure prédite, continuerait-on à verser à ses héritiers la maigre pension à laquelle il n’aurait pu totalement prétendre le temps imparti ? 
     Au-delà de ces boutades, évoquer une espérance de vie pour inclure ou non telle ou telle clause restrictive ou bénéfique, s’apparenterait à une discrimination. Ce qui, convenons-en, est à l’opposée du but recherché dans l’établissement d’une retraite universelle par points qui se veut égalitaire (égalité toute relative là encore puisque dépendante des revenus). 
     Les régimes spéciaux ont été conçus en fonction de la pénibilité de certains métiers. Je pense bien sûr aux chauffeurs des locomotives à vapeur, ce qui n’a plus de raison d’être, qui ont obtenu leurs avantages soutenus qu’ils étaient par de puissantes organisations syndicales. En revanche, seul dans son coin, un peu anar, ou poète tel Thierry Metz aujourd’hui décédé, le vieux maçon usé par le temps et l’effort n’a jamais bénéficié, lui, d’un régime particulier. Même si de nos jours les bétonnières sont mécanisées, le métier reste pénible à la différence du chauffeur de train. Il y a là matière à discuter, évidemment. Mais certes non en termes médicaux ou funéraires. Ce qui reviendrait à créer une espèce de « professophobie », si l’on veut bien m’accorder ce néologisme, en un mot de racisme s’apparentant à celui que l’on constate en matière religieuse ou ethnique. Avec les dérives inévitables, comme celle qui fut mienne lorsque plus haut j’opposais le chauffeur de train au maçon. Les exaspérations, rancœurs, haines, plus prégnantes qu’aujourd’hui, ne manqueront pas alors de s’immiscer dans les esprits de ceux ne bénéficiant pas des avantages des autres. Est-on d’ailleurs certain de cette affirmation qui voudrait qu’un travailleur manuel vécût moins longtemps qu’un intellectuel ? Les statistiques le prouvent nous dit-on. Tout comme, statistiquement parlant, les femmes vivent plus longtemps que les hommes ; certainement la raison pour laquelle leurs émoluments sont inférieurs à ceux de leurs homologues masculins. 
     Dès lors il faut aller plus loin dans l’absurdité et créer tout un tas de discriminations en fonction de l’âge d’une mort prévue par les statistiques, du sexe, de la taille, de la couleur des yeux, de la voix, de l’apparence. Les tests ADN généralisés seront pour demain à inclure dans les CV d’embauche accompagnés d’un état détaillé de nos habitudes alimentaires, sportives, amoureuses, etc. etc. Orwell avait vu juste. Quant à Thomas More, son Utopia va devenir une galéjade. 
     Déterminez donc les retraites en fonction de l’ADN de chacun et n’en parlez plus. Ça évitera grèves et bouchons inutiles.

La sagesse d’un chef

20 octobre 2010 § Commentaires fermés sur La sagesse d’un chef § permalien

J’entends dire et je lis un peu partout que Sarkozy ne modifiera pas d’une virgule son projet de réforme des retraites et n’ouvrira pas à nouveau les négociations. C’est sans doute vrai.
Tout d’abord son caractère le lui interdit. L’absence de souplesse intellectuelle des enfants têtus et bornés en est une preuve. Ensuite sa politique qui le conduit à surenchérir dans l’intransigeance pour satisfaire d’hypothétiques électeurs, en est une autre. Car, qu’on ne me dise pas que la pertinence de cette réforme, malgré les affirmations qu’on multiplie ces jours, est réelle et devient la nécessaire raison. Nul n’y croit, pas même ceux qui vont s’empresser de la voter de leur train de sénateur qui s’achemine vers le butoir.
En premier lieu cette réforme est en elle-même une hérésie. Elle ne fait que transposer un coût supporté par un organisme, celui, de manière globale, des caisses de retraites, vers un autre, celui de l’Unedic. Coût chiffré par cette dernière caisse à 265 millions d’euros minimum la première année de son entrée en vigueur.
Ensuite à plus long terme la situation réapparaîtra à l’identique si le marché du travail ne se rétablit pas. Les seuls lésés dans cette aventure seront, comme toujours, les salariés qui devront trimer un peu plus pour des retraites encore moins valorisantes que celles d’aujourd’hui, l’augmentation quasi certaine des années de chômage qu’ils subiront défavorisant leur salaire de référence. Or, établir une réforme telle qu’elle s’apparente aujourd’hui, c’est entériner la volonté de ne rien faire pour inverser le désastre économique du pays. Tout se passant comme si on posait la pétition de principe suivante : la réforme est bonne car elle permet de continuer comme par le passé en sauvant les retraites. Or, la démonstration est loin d’être probante et n’avantage que les détenteurs du capital.
Mais admettons qu’il soit nécessaire de réformer le régime des retraites, comme nombreux le pensent, à tout le moins l’uniformiser afin d’éradiquer ces différences éhontées qu’on constate aujourd’hui —comme celle concernant les politiques eux-mêmes— et qui entretiennent ce sentiment d’injustice ressenti par une majeure partie de la population. Si on veut le faire ce ne peut l’être que par la négociation, le dialogue et non l’autoritarisme. Autoritarisme qui laisse sous-entendre une autre volonté, celle de supprimer, tout au moins minimiser, le système par répartition au profit d’un autre, forcément injuste, celui de la capitalisation personnelle. Comment peut-on penser qu’un ouvrier qui gagne à peine de quoi survivre puisse, en plus, thésauriser? Sauf à vivre dans un autre univers déconnecté de la réalité.
Dans les bouquins de management, ou précis de direction, il est rappelé qu’un objectif ne peut être atteint que s’il est accepté par l’ensemble des protagonistes. Celui qui le donne tout autant que celui qui doit en exécuter les modalités. Seule une adhésion complète permet son aboutissement. Or cette adhésion ne s’obtient que par le dialogue. Je me souviens qu’à cette époque du début de l’informatique, des modélisations de situations de blocage qu’il fallait tenter de résoudre, étaient soumises aux apprentis dirigeants. Il va sans dire que les plus intransigeants, dans les jeux de rôles, allaient vers le chaos, ou le KO c’est selon, la morgue entre les lèvres. La situation d’aujourd’hui ressemble à s’y méprendre à ces modèles créés sur le réel. A croire que ceux qui nous dirigent n’ont fait aucun profit de ces expériences passées.
Mais le plus invraisemblable, et c’est ce en quoi Sarkozy se leurre, est sa foi inébranlable que montrer une autorité aussi désuète lui apportera les voix qu’il espère. Ces voix risquent fort de lui reprocher ultérieurement de n’avoir su créer que des frustrations laminant l’ardeur au travail. Le désespoir ainsi suscité ne peut en effet que favoriser le désintérêt au détriment de l’ouvrage à réaliser. C’est ainsi, celui à qui l’on n’apporte aucune reconnaissance se renferme dans la rancœur et le rejet, la volonté de trouver ailleurs et notamment dans la contestation larvée et continuelle, un intérêt à son existence.
La sagesse d’un chef exige de lui d’être attentif, à l’écoute de ceux qu’il commande. Ce n’est pas se dévaloriser, c’est au contraire se grandir. Sinon on ne forge que des mutins.

Chemin

Vous regardez dans les mots clés réforme des retraites à Le Plumier.