Complaire et déplaire

30 avril 2019 § Commentaires fermés sur Complaire et déplaire § permalien

Le duel à l’épée – Jacques Callot – Source gallica.bnf.fr / BnF

     Demain 1er mai. Que va-t-il encore se passer du côté des manifestations ? Des voyous en noir (bien souvent pourtant des gens diplômés, instruits, intégrés) s’apprêtent à casser du flic et des commerces, imités par des ilotes en jaune. Leur rencontre avec les services d’ordre, non seulement de l’état, mais également des syndicats, tournera-t-elle à l’émeute ? Ces petits groupes, qu’ils soient de n’importe quelle couleur, nous fatiguent. Minorité, ils veulent imposer leur point de vue : la destruction de l’ordre établi. C’est un peu court comme programme, n’ayant rien d’autre à proposer. Ils deviennent dérisoires et lamentables dans leur ponctualité à vouloir défier la démocratie en lançant des slogans infâmes. Je pense à cette injonction incitant les policiers au suicide. Je trouve pour ma part que ces derniers ont fait preuve d’une infinie tolérance. En une autre époque les morts, déjà, se compteraient par centaine. Ce qui, loin de moi, serait compris en réponse à leur cri de haine. Il faut être sévère mais juste.
     Je m’acheminerai donc vers la promenade, le repas en famille ou la lecture pendant qu’ils plongeront dans la haine et la violence.

     Tallemant par exemple ; le lire ou le relire, réserve toujours des surprises. Truffées d’anecdotes, ses historiettes nous plongent dans la société dite du Grand Siècle et nous en révèlent les mentalités.
     On s’étripait pour un rien et, si le fil des épées s’est convertie à l’internet de nos jours, il est aisé de constater que la propension qu’à l’humain de s’en prendre à celui qu’il côtoie est toujours de mise. Tout comme complaire aux grands de ce monde était, ainsi qu’aujourd’hui, nécessaire à la réussite, à la promotion. Déplaire entraînant la disgrâce.
     Pierre de Niert, de petite noblesse nous dit Tallemant, vieux singe malfaisant selon Saint-Simon, devint l’un des valets de chambre de Louis XIII. Il plut grâce à ses dons de musicien et de chanteur lorsqu’il fut appelé auprès du roi déprimé. Être valet de chambre, alors, ce n’était pas rien ; le plus proche du roi, le côtoyant jour et nuit il lui parlait, plus même que ses conseillers, et l’accompagnait dans tous ses actes quotidiens, jusqu’aux appartements des maîtresses dont il contrôlait les itinéraires secrets. Confident parfois, témoin toujours le temps de son service, le valet de chambre avait une relation privilégiée avec le maître du royaume. Niert, à un moment de son existence, ayant besoin d’argent en obtint du roi, insuffisamment. Se trouvant auprès d’Anne d’Autriche, il se plaignit de ne pas posséder quatre mille écus. L’une des femmes de chambre de la reine, Jeanne de Falguerolles, les lui donna. Tant de générosité le bouleversa et le rendit amoureux de cette jeune veuve extravagante, sans doute féministe avant l’heure appelant la souveraine  » Siresse « , et qu’il aima de nombreuses années. Sans se marier avec elle pour autant afin de ne pas fâcher le roi qui voyait dans cette relation, tant il ne supportait plus Anne d’Autriche et son entourage, la source de ce que nous pourrions appeler une agence d’espionnage. Louis XIII en rien ne sut gré de ce sacrifice et ne promut jamais de Niert à la fonction de premier valet de chambre, parce que, lui répétait-il, il savait qu’il n’attendait que sa mort pour se marier. Ce qui advint en 1643, laissant enfin libres de s’unir les amants en 1644.
     Pour autant de Niert n’obtint pas plus le poste si envié, Anne d’Autriche plaçant dans la chambre du jeune Louis XIV ses protégés. Dont Pierre de La Porte, devenu premier valet de chambre, que la reine disgracia quelques années plus tard pour avoir accusé Mazarin d’un complot, favorisant enfin de Niert.
     Déplaire à ceux qui nous gouvernent c’est prendre des risques. Combien de commis de l’état, de préfets en subirent les conséquences, de magistrats ou de hauts fonctionnaires ? Ou plus simplement, à chaque strate de la société, ceux qui subissent la loi d’une hiérarchie bornée, d’un supérieur, contremaître, chef de bureau ou autres directeurs en tous genres.
     C’est aussi, de mon point de vue, la preuve que ces chefs, s’ils ont une haute estime d’eux-mêmes, n’en ont guère pour les autres, mais surtout sont possédés d’une tare qui s’acquiert au fil de l’ascension sociale : l’ivresse du pouvoir avec pour corollaire la défiance. Défiance envers les autres mais aussi envers leurs propres capacités. Cette faiblesse d’esprit défie leur raison. Leur peur d’être dupés, trahis, les incite à la vengeance préventive pensant, comme le dit le dicton, qu’un renard peut changer son apparence mais pas ses tours. Le renard, tout comme les hommes, peut s’apprivoiser. Leur incompétence en ce domaine prouvent qu’ils ne savent pas commander car il suffit d’être juste.
     Sévère, mais juste.

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