10 février 2019 § Commentaires fermés sur Deux anecdotes manichéennes § permalien
Désœuvré l’autre jour, je feuilletais les pages virtuelles qu’offre internet. Outil fantastique à qui sait le dominer sans s’abandonner à l’accoutumance telle une drogue. Nous avions autrefois et encore la télévision dans les images de laquelle beaucoup se sont noyés. À chaque époque les inventions, les progrès ont su jouer ces rôles de succédanés d’existence où des générations se sont perdues alors que d’autres ont su y trouver les chemins menant vers de nouveaux horizons.
Il ne peut en être autrement, l’intelligence humaine étant duale, partie progressiste, partie réactionnaire.
Naviguant donc sur cette mer où derrière chaque vague scintillent de multiples perles, alors que je ne cherchais rien, faisant preuve ainsi de sérendipité, je tombais sur les premiers numéros du journal Détective. Les premières parutions datent de 1928, désormais numérisées par la BiLiPo, établissement dédié aux littératures policières.
Deux entrefilets captèrent mon attention.
Le premier, dans le numéro 1 du 1er novembre 1928, rapportait l’exécution dans la cour de la Santé d’un nommé Charrier qu’assistait l’aumônier qui gémissait, sanglotait en priant pour le condamné qui lui répondit que ça n’en valait pas la peine. À peine la tête roulait-elle dans le panier que l’aumônier, se séchant les yeux, se tourna vers les journalistes leur demandant, dans leurs comptes rendus, de ne pas estropier son nom qui s’écrivait avec deux » s « .
Étonnant qu’un homme de Dieu puisse s’émouvoir de son nom écorché plus que de voir son prochain coupé en deux. Ce devait pourtant être une âme charitable et compatissante comme le recommande la religion qu’il était censé représenter.
Le second, dans le numéro 9 de décembre de la même année, relatait le dilemme d’un juge d’instruction du tribunal de Versailles qui, après avoir fait écrouer une femme ayant avoué plus de trois cents avortements, n’osa aller plus avant dans ses investigations, non tant par crainte de manquer de place dans la salle d’audience d’un tel procès éventuel, mais tout bonnement parce que les clientes de la matrone (au sens ancien de sage-femme) étaient issues de la haute couture parisienne ainsi que du monde artistique, certaines étant les plus grandes vedettes théâtrales du moment.
Le juge Roussel fit-il preuve de compréhension pour les unes et d’aucune compassion pour l’autre ? ou avoua-t-il ainsi son impuissance à juger ? Je penche volontiers pour la première hypothèse.
Je me disais que si les temps malgré tout transmutent, progressent, l’âme, ou l’esprit, ne connaît guère le changement et demeure étrangement imperméable à toute évolution.
À moins qu’on ne l’y oblige par la loi. Ce que certains prétextent pour se donner les raisons de manifester une opposition surannée, cependant dangereuse dans son manichéisme primaire.
11 octobre 2018 § Commentaires fermés sur Tueur à gages § permalien

Le pape François en mai 2013 – photo Wikipedia
Malgré sa sainteté le pape est un homme comme un autre et sans aucun doute s’est-il masturbé du temps de sa jeunesse, voire plus tard n’ayant connu le désir que dans le silence de la solitude abstinente du prêtre, bien que » Duos habet et bene pendentes ” comme disait autrefois le cardinal chargé prétendument de tâter du pontife sa virilité.
Malgré sa sainteté le pape est un homme comme un autre avec ses faiblesses et surtout sa méconnaissance totale de la femme, non seulement de son corps que, a priori, ne caressa jamais, mais également de sa psychologie, de ses attentes, de ses désirs et bien évidemment de son approche de la maternité.
Malgré sa sainteté le pape est un homme aussi stupide qu’un autre, vieux célibataire qu’il est ignorant ce que peut être un couple.
Malgré sa sainteté le pape est un âne aussi bête à manger du foin qu’un autre homme dès lors qu’il s’agit de comprendre quoi que ce soit à la souffrance d’une femme.
Malgré sa sainteté le pape est une buse aussi bornée qu’un autre homme dès qu’il s’exprime dans un discours digne d’une brève de comptoir.
Malgré sa sainteté le pape est un crétin aussi complet qu’un autre homme dès qu’il est question de science et plus précisément de biologie, un fœtus n’étant pas plus un être humain que ses spermatozoïdes sacrifiés.
Malgré sa sainteté le pape…
Je pourrais poursuivre l’énumération notamment en précisant son incapacité crasse à imaginer les conséquences dramatiques d’un avortement effectué hors d’un cadre médical. Or, en s’adressant à ses fidèles urbi et orbi, ou tout comme, lors de sa dernière catéchèse et déclarant honteusement à propos de l’IVG que » C’est comme engager un tueur à gages pour résoudre un problème. « , après avoir, à la Trump, apostrophé la foule béate par un » Je vous le demande : est-il juste de mettre fin à une vie humaine pour résoudre un problème ? Qu’en pensez-vous ? Est-ce vrai ? Est-ce vrai ou pas ? Est-il juste de louer un tueur à gages pour résoudre un problème ? « , ce à quoi le cheptel de ses brebis répondit par un long et horrifié bêlement négatif, je l’affirme, le tueur à gages, c’est lui, sa sainteté, ou prétendue telle, chef du Vatican, ce petit état où le patriarcat fait force de loi, lieu où l’avortement ne peut en effet exister puisque aucun spermatozoïde ne rencontre jamais un ovule, terminant sa brève existence non pas au fond du siège percé légendaire mais bien dans celui d’une cuvette de WC, ou ailleurs et n’en dirai pas plus, car, s’exprimant ainsi, non seulement il voue à la réprobation, à l’insulte, au rejet, à la vindicte, à la haine, mais condamne aussi à la mort, à tout le moins à un désastre sanitaire, les femmes qui ne pourront plus avorter sans craindre un refus, vivant dans ces états sectaires – mais pas uniquement, également au sein de nos sociétés apparemment moins rétrogrades – obligées qu’elles seront, pour des raisons qui ne concernent qu’elles, d’interrompre leur grossesse grâce à des charlatans et non des médecins.
12 septembre 2018 § Commentaires fermés sur Tartuffe et Ponce Pilate § permalien
Je me suis laissé dire que Pierre Arditi, qui joue actuellement Tartuffe à la scène, fustige ceux qui critiquent la limitation de vitesse à 80 km/h en tenant un discours à la con.
Vous noterez avec gourmandise que ma phrase est volontairement ambiguë.
Au-delà de cette dégustation qui n’est pas œnologique, je me demande à quel titre ce cabotin est à même de juger l’absurdité ou non d’une mesure unanimement décriée, lui qui sillonne les vignobles au volant d’une bagnole qu’il ne conduit qu’au cours des navets qu’il tourne pour la télé, ne s’éloignant sans doute que rarement des salons et studios aux douceurs parisiennes ou se déplaçant avec chauffeur le reste du temps.
Mais ses diatribes sont sans intérêt, sinon celui de jouer encore Tartuffe sur les plateaux télé, l’accident, quel qu’il soit et malgré qu’il en ait, n’étant qu’un fâcheux concours de circonstances, c’est à dire se trouver là quand il n’eût pas fallu, peu importe la vitesse à laquelle on parvient sur ce lieu de rencontre.
Bien plus inquiétants et arrogants pour la liberté des femmes sont les propos du président des obstétriciens-gynécologues de France, Bertrand de Rochambeau, qui refuse de pratiquer des IVG parce que, lui et ses collègues, qu’il associe sans vergogne avant de connaître leur avis, ne sont « pas là pour retirer des vies ».
On discutera à l’infini sur la nature de l’embryon. Est-il ou non un être humain à sept semaines ? Qu’en est-il à douze semaines après l’absence de menstruation ? Je noterai simplement qu’à cinq jours, et certainement à plus long terme, l’embryon peut être congelé puis décongelé viable, ce que tout être humain ne supporterait pas, tendant à prouver ainsi que ce conglomérat de cellules est encore loin de pouvoir être considéré comme un être pensant biologiquement parlant.
Mais peu importe, ce qui demeure c’est le risque de voir ces femmes, refusant la conception pour des raisons qui n’appartiennent qu’à chacune d’entre elles et à elles seules, de les voir donc catapulter par l’égoïsme de ce médecin vers des extrémités qu’il est censé leur épargner.
Car le tragique des propos de ce Ponce Pilate attardé, est qu’il fait fi de leur souffrance, n’interrogeant, n’écoutant que sa propre conscience à l’encontre du serment qu’un jour il prêta devant ses pairs.
Ce n’était alors, sans doute, qu’un serment d’ivrogne puisqu’il oublie aujourd’hui ce qu’il promettait hier : « Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. »
Et je lui rappellerai la conclusion qu’il ne manqua pas d’affirmer : « Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j’y manque. »
26 mai 2018 § Commentaires fermés sur L’Irlande, enfin ! § permalien
Après des siècles d’obscurantisme et des années de refus, le peuple irlandais a voté à près de 70% pour modifier la législation du pays sur l’avortement. L’Irlande rejoint ces démocraties où les femmes pourront ne plus mourir à cause d’une grossesse non désirée s’achevant souvent lors d’un avortement non médicalisé.
Leur combat est loin d’être terminé, et une attention de chaque jour leur sera nécessaire pour préserver cette fragile victoire. De tous côtés, en effet, rôdent les ennemis de la liberté qui, au nom de dogmes ou de principes rétrogrades, agissent autant dans l’ombre qu’au grand jour pour ruiner toute espèce de progrès.
La Pologne est encore à la traîne, arriérée s’il en est en projetant de durcir sa législation. De lourdes menaces pèsent sur ce droit aux USA où le parlement de l’Iowa vient d’adopter en ce début de mois de mai 2018 une loi très contraignante afin de limiter son recours. D’autres nations, nombreuses, ne respectent pas ce choix des femmes, la pire d’entre elles certainement étant le Salvador où pour une fausse couche naturelle les femmes sont condamnées à trente années de prison.
Il n’y a pas si longtemps, chez nous, dans notre beau pays auto-proclamé des droits de l’Homme, une campagne d’information sur la sexualité, la contraception et l’avortement avait fait scandale. C’était en janvier 2008, trente trois ans après la loi Veil, mais ne doutons pas qu’aujourd’hui, toujours, de bonnes âmes, des obsédés de la fécondation, des pères la pudeur, considèrent l’IVG comme un assassinat.
S’il est difficile pour un homme de juger sereinement du bien fondé d’un acte qui ne le concerne qu’en demi-teinte, qu’en est-il alors de la torture éprouvée par une femme face au dilemme qui la hante ? Comment la comprendre ? Nulle d’entre elles ne rentre au bloc le cœur léger. Et ce choix est à respecter avec humilité et dignité.
Enfin, et pour terminer un chapitre qui nous fait nous interroger, une seule question nous semble nécessaire : y a-t-il besoin d’une loi pour qu’une femme soit libre de son corps ?