La mort au fond d’un ravin

20 août 2019 § 3 commentaires § permalien

Oswald Achenbach – Baie de Naples au clair de lune – 1886 – coll. privée


19 août  


       Le corps sans vie du jeune randonneur, Simon Gautier, vient d’être retrouvé après neuf jours de recherche en Italie. La famille estime que les secours n’ont pas été déclenchés suffisamment vite après son appel au secours alors qu’il était tombé dans un ravin, se brisant les jambes. Il est à noter que, puisque l’appel de son portable fut entendu, il pouvait être localisé en fonction du relais qui le capta pour le diffuser. En ce sens je conçois la réaction de sa famille. Les autorités italiennes ont beau nous affirmer que la région très escarpée, à 200 km au sud de Naples, ne facilite pas la géolocalisation par manque d’antennes, il me paraît assez invraisemblable que l’on n’ait pu circonscrire la zone des recherches à partir de l’antenne qui a borné. Il n’est qu’à constater, lors d’un procès d’assises, par exemple, la célérité et la précision avec lesquelles les enquêteurs déterminent les lieux où un criminel fut présent pour se convaincre que les secours italiens ont fait preuve d’attentisme. Puisque appel il y eut, c’est qu’une antenne a borné. Il fallait tout de suite savoir laquelle et à partir de là diligenter les recherches au lieu d’attendre plusieurs heures avant de les entreprendre. 
     Je lis par ailleurs que les opérateurs téléphoniques ne transmettent les coordonnées de localisation qu’après de longues procédures. À qui fera-t-on croire qu’en cas d’urgence aucun moyen n’existe pour les contraindre à communiquer ces précisions ? Ou veut-on reporter sur d’autres la responsabilité du déroulement de ce drame ?  
       Il y a en Italie, actuellement, une plus grande promptitude à dire des messes, tant religieuses que populistes, ou à interdire d’aborder quelques migrants, qu’à sauver des vies. 
       Je ne sais quand et comment est mort Simon Gautier ; au-delà de cette issue funeste, j’imagine la souffrance endurée par ce jeune homme dans l’attente vaine de secours. Sa solitude, son angoisse, sa peur, son agonie, même si celle-ci fut brève comme le suggère le médecin légiste après les premiers examens. 
     Cela étant, concernant ce drame, ce ne sont que suppositions que j’échafaude à partir des seules informations diffusées. Tant d’autres aléas ayant pu contrarier non seulement le sauvetage, mais également la position initiale du blessé. 
   Nous sommes toujours prompts à juger tant parfois l’incompréhension nous émeut. Précisément, cette incompréhension ne devrait-elle pas brider notre esprit critique ? Il n’est pas inutile toutefois de se souvenir de ce qu’Alain pensait du doute dont il disait qu’il n’était pas au-dessous du savoir, mais au-dessus. 
      Lorsque l’incrédulité nous assaille il est alors essentiel de raisonnablement douter afin d’obtenir des réponses nouvelles et précises.

Migrants

9 août 2019 § Commentaires fermés sur Migrants § permalien

Une embarcation de migrants qui attendent d’être sauvés par l’Aquarius, le bateau de l’ONG SOS méditerranée. – Angelos Tzortzinis / AFP
Capture image et texte sur BFM TV


     J’ai écrit le petit texte ci-dessous dans mon journal il y a trois jours. Aujourd’hui ce même Salvini, après avoir dévoré ses alliés, provoque la pagaille dans son pays et la colère du premier ministre en réclamant des élections anticipées, sûr qu’il est d’obtenir la majorité absolu, imposer ainsi ses idées de nazillon et pourquoi pas réclamer ensuite le poste de chef de gouvernement. Ou comment légalement s’approprier le pouvoir. Scénario connu. Avec tout de même un bémol aujourd’hui, l’Europe qui peut tempérer l’ardeur du fasciste.
     6 août 
      Le fascisme a toujours fait peu de cas des sentiments, de la morale ou plus simplement de la vie en général, surtout lorsqu’il s’agit d’éradiquer ses opposants ou de plaire à la populace. L’Italie, cet état de l’Union en se prostituant avec Mussolini qui développa cette idéologie politique – dont on pense que la révolution française sema les prémices lors de sa période de jacobinisme intolérant – fut avec Hitler la complice d’une des plus grandes tueries que les hommes ont connues, l’Italie donc se reconnaît aujourd’hui dans ce nouvel assassin : Mattéo Salvini au discours proche des dictateurs d’hier. Et cet individu, qu’on devrait juger pour non assistance à personnes en danger et emprisonner à vie, remercia la Vierge pour avoir obtenu gain de cause auprès de sénateurs qui, tels les ovins de Panurge, votèrent hier des mesures replongeant leur région dans son errance du siècle passé. 
     Assassin, oui, car, tout faire pour que des hommes, des femmes, des enfants ne soient pas, de leurs barques à la dérive, rapatrier sur le sol italien au faux prétexte qu’ils l’envahissent, c’est les condamner à une mort certaine. Tout faire pour empêcher que s’opère la solidarité de la mer est un crime que seul un tortionnaire peut imaginer. Agir en sorte que ceux qui oseraient porter secours aux migrants soient condamnés à de lourdes peines, est une insulte au seul nom d’homme. 
     D’ailleurs Salvini ne mérite pas le nom d’homme, c’est une crapule.
     Ainsi débutent les dictatures, que les masses applaudissent, par le rejet et l’assassinat des minorités. Car, comme le disait Pindare, le grand nombre des hommes a le cœur aveugle.
     Il ne faudrait pas que la France s’engageât sur ce chemin de honte.

Noli me tangere

28 février 2013 § 1 commentaire § permalien

Mon chat est en rut. Depuis une quinzaine de jours il rentre le soir exténué, dévore sa pâtée puis se love pour dormir. Mais dès cinq heures du matin il miaule pour repartir. Quand il revient! car, parfois, la nuit se termine sans que sa patte de velours n’ait griffé à la porte, alors mon sommeil peut se prolonger avec bonheur. Sinon je le voue au diable, lui et ses amours. Que voulez-vous, la nature est ainsi et je ne voudrais en aucune façon la contrarier, aussi la porte s’ouvre-t-elle pour qu’il reparte roder vers ses lupanars de derrière les bosquets.
Quel rapport me direz-vous avec l’injonction de Jésus à Marie-Madeleine lui interdisant de le toucher? C’est St Jean qui le rapporte. Après la résurrection, l’ex call-girl biblique n’en croit pas ses yeux en voyant son idole et s’approche pour le tâter et s’en convaincre, l’ayant confondu avec un jardinier. « Ne me touche pas! » (noli me tangere) lui crie le Fils, ajoutant « je ne suis pas encore monté vers mon Père »*, sous entendu, tes caresses risquent de me retenir ici-bas. Ce qui prouve bien que le fils de Dieu était de chair et qu’il en connaissait toutes les faiblesses. Nul ne dit s’il y succomba mais tout le laisse à penser tant ce cri du cœur est un aveu. Cependant, étant d’essence divine, il eut la volonté de résister et si tel n’avait pas été le cas on jaserait moins de nos jours des turpitudes vaticanes. La face du monde en aurait peut-être était modifiée, allez savoir. Jésus épousant Marie-Madeleine (ce qui fut évoqué par des exégètes leur accordant une descendance et point de départ du roman de Dan Brown), ça vous ferait une fin plus heureuse à cette histoire à dormir debout qui impose la chasteté. À moins de châtrer les prêtres, je ne vois pas comment tous ces hommes pourraient résister à la tentation. D’ailleurs ils n’y résistent pas, et tout comme mon chat non castré (« Noli me tangere » a dû me dire aussi le félin, sortant ses griffes, un jour où je l’envisageais, car il balbutie le latin) ces exclus de l’extase, en pleine vigueur, se défroquent le temps d’un soupir.
Grand bien leur fasse, ce n’est pas moi qui leur jetterai la pierre.
La pierre, en revanche, je la jette aux successeurs du triple contempteur**, aux théologiens et autres exégètes qui n’ont jamais rien fait pour que cesse l’hypocrisie. Le Pape actuel peut bien démissionner, quelle qu’en soit la raison, rien ne changera et l’on verra encore longtemps de pauvres humains dépérir dans leur cure jusqu’au jour où le désir vient ravager l’absurde dénégation du naturel. Et se dépeupler lentement mais sûrement le cheptel de l’Église malgré les accouplements dont certains sont forcément stériles.
Il y a plus de quarante ans, alors que j’envoyais aux orties mes croyances, j’avais écrit un long poème qui s’intitulait déjà « Noli me tangere »***. Ne touche à rien continuent de bêler les fidèles! La façade, en effet, fut légèrement ravalée, adieu le latin des messes, les soutanes ambiguës et quelques autres fariboles, mais les fondations de la bergerie n’ont pas été reprises qui menacent de s’écrouler.
Le Vatican, petit Etat dans l’Etat, est au cœur de l’Italie, patrie de la mafia et des combines; cardinaux et vicaires en subirent-ils sans doute l’influence pour créer ce magma d’où émergent régulièrement les scandales, à la Berlusconi.
Puisque le Pape s’en va ce soir et qu’on lui cherche un successeur, je suggère de le remplacer par ce même Berlusconi. Il ne déparerait pas dans la fonction en chaussant les mules du Benoît. Avec un autre avantage, débarrasser l’Europe de ce Borgia miniature.
Avec, comme vicaire général, l’autre pitre à ses côtés, celui qui vient de récolter quelque 20% des voix des italiens grâce à son discours inconséquent mais incantatoire et dont on constate le résultat cacophonique aujourd’hui. Une belle paire pour poursuivre la démolition.
Mon chat, qui n’est pas rentré hier soir, n’a pas ces angoisses métaphysiques.
 
 
 
 
*Évangile selon St Jean – XX, 15 à 17 – La Sainte Bible – Desclée de Brouwer.
** Pierre, premier évêque de Rome qui renia par trois fois Jésus.
*** Le premier quatrain, sur seize, disait ceci :
 
Ô Prince de l’orphisme en ce monde nouveau
Tu lanceras ce cri à la face joyeuse
De ceux qui fermeront la pierre du tombeau
Car ta chute sera demain vertigineuse.
 
Je vous fais grâce des suivants, mais je constate avec une certaine délectation en les relisant que mon long poème avait un accent prémonitoire. C’était pourtant après Vatican 2 qui se proposait de donner à l’Eglise un aspect en adéquation avec l’époque.

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