Pike

27 septembre 2012 § Commentaires fermés sur Pike § permalien

Le titre du billet n’a rien de prétentieux pas plus qu’il ne dénote un égo surévalué. C’est le titre d’un bouquin. Pas de moi, malgré les apparences. Ni sur ma famille, heureusement. Encore que, allez savoir.
L’autre jour, je déambulais parmi les rayons de la librairie où s’étalent comme des tapineuses la couverture des dernières parutions offertes à la gourmandise des lecteurs qui passent. Je feuilletais, comme à mon habitude, quelques volumes sans grand intérêt dont le style s’apparentait à du copié-collé, lorsque mon attention fut attirée par une couverture noire où mon nom resplendissait en gras. « Qu’est-ce à dire? » pensai-je surpris d’être l’objet d’une telle indiscrétion, étant par nature plutôt réservé. Ayant, en l’espace d’une seconde, repassé en détail les évènements de ma vie susceptibles de capter un biographe, je ne trouvai rien. Mon fils alors? Non, sa mort je déniais à quiconque de l’aborder, me la réservant. Un cousin lointain d’Amérique? L’actrice anglaise au doux prénom de Rosamund? Le franc-maçon plutôt, Albert Pike, général sudiste sur lequel on raconte pis que pendre. C’était ça, certainement, me convainquis-je en prenant le livre, me trompant totalement. Le roman d’un truand revenu du Mexique. Merde alors! Fallait oser. Gonflé l’auteur! Un homonyme au cœur d’une histoire noire, vraiment noire, comme seul peut l’écrire un romancier perdu au fond du Colorado. Benjamin Whitmer, il s’appelle, et c’est son premier roman. Et pour être noir, il est sinistre, dégoulinant de cruauté qui se mêle au sang des hécatombes. Avec pourtant un brin de poésie parfois, un sourire et une lueur d’espoir.
Ecrit sans fioritures. Direct, aussi percutant que les poings de Rory, le jeune boxeur que va entraîner Douglas Pike, truand à la retraite qui n’a perdu aucun de ses réflexes, dans sa quête de vérité sur la mort par overdose de sa pute de fille, Sarah, abandonnée jadis et la naissance de sa petite fille, Wendy, douze ans, qui lit Poe et rétorque comme une tigresse et qu’on lui amène sans qu’il ait rien demandé.
Cincinnati au temps de Reagan. Ses bas-fonds. La drogue, les putes, la pauvreté, la misère, l’alcool, les flingues qui crachent sans sommation, le flic véreux, cruel, qui s’intéresse un peu trop à Wendy, les coups à vous assommer un bison, tout est là pour faire de ce roman l’image d’une Amérique violente, sans espoir pour les plus démunis, les faibles, où la liberté ne s’arrête pas où commence celle de l’autre mais finie souvent dans une putain de mare de sang.
Les dialogues sont taillés à la serpe et servent tout autant au déroulement de l’histoire qu’à la psychologie des personnages. Pas de grandes phrases, des métaphores au couteau, des sentiments à la seringue et la volonté inflexible d’atteindre le but fixé.
Une littérature qui ressemble à notre monde, violent et sans pitié. Une écriture allant à l’essentiel.
Et pour imiter Bogey, petit camé embarqué dans la chevauchée mais qui finira mal : « Hé mec, lis-la cette putain d’histoire! »
Mais Pike? Pourquoi Pike? Ça, je ne le saurai jamais. Et après tout peu importe, malgré sa brutalité qui masque un soupçon de tendresse, dans ce regret qu’il évoque d’avoir abandonné Sarah et l’attachement qu’il découvre petit à petit pour Wendy, j’ai fini par l’aimer mon homonyme.

Pike – Benjamin Whitmer – éd. Gallmeister – 264 pages – 22,90€ (21,75€ Fnac, Mollat)

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