Je ne vais pas me faire que des amis en vous disant que je voterai Macron aux prochaines présidentielles. Ce n’est pas ce que j’avais prévu, mais les résultats de ces primaires ineptes étant ce qu’ils sont, je n’allais pas m’acoquiner avec un frondeur qui aura passé son temps à miner un quinquennat. Une espèce de Iago ou de Judas, selon votre idée des traîtres. De plus, non seulement il n’a ni la carrure, ni l’envergure, mais son programme est une hérésie susceptible de transformer une nation en assistanat.
Quant à l’autre tribun gauchiste, il parle bien, c’est un fait, pour développer des thèses datant du début du siècle dernier. Le communisme est bel et bien terminé, et depuis longtemps. Il faudra le lui dire afin qu’il s’évite le ridicule. Même à Cuba on le rejette. Il n’y a guère qu’en Corée du Nord qu’on porte la veste qui habillait son hologramme.
Enfin il est inutile de vous entretenir des candidats de droite, extrême ou pas, avec leurs guirlandes d’affaires louches qui scintillent aux yeux des juges.
Alors, pourquoi Macron ? Serait-ce le ralliement de Bayrou qui m’attire ? Pas même, je l’avais décidé avant. Cependant ce dernier, ayant fait ses humanités comme on disait autrefois, agrégé de lettres classiques, on peut penser avec raison que sa vision du monde est fondée sur l’ouverture, le dialogue, la connaissance. C’est l’honnête homme tel que Montaigne en avait esquissé le portrait.
Macron fut banquier avant d’être ministre de l’économie et des finances. C’est, de mon point de vue, un excellent apprentissage pour diriger un pays au sein d’une Europe confrontée aux assauts économiques des autres puissances. S’y frotter pour gagner sa place et la garder, seule alternative au repli sur soi tragique des imposteurs d’une économie de la décroissance.
On nous dira que Macron n’a pas de programme. Il le dévoile pourtant régulièrement, par petites touches. Il suffit de lire ou d’écouter.
Mais là n’est pas l’important. Car, pensez-vous vraiment qu’un programme est appliqué un jour ? Le seul programme acceptable est celui du pragmatisme et de la réactivité. Il faut être jeune pour agir ainsi et ne pas guerroyer avec l’arsenal formaté par les ans des pachydermes décatis.
La jeunesse, l’enthousiasme et le dynamisme de Macron sont nos atouts pour affronter le monde.
L’esprit ailleurs en cette période qui me ramène cinq années en arrière, je crois que j’aurais gardé le silence si Bayrou ne s’était prononcé sur son vote. Non qu’il ait appelé ses électeurs —qui, de quelque côté l’on se tourne sont seuls décisionnaires d’un choix qui n’appartient à nul autre— à reporter leurs voix sur Hollande, mais l’annonce de son vote pour le candidat socialiste est déjà la marque de son humanisme. Par conséquent je m’en réjouis et je le dis. Il a su faire abstraction des réticences qui l’ont toujours éloigné de la gauche pour s’en rapprocher le temps d’une élection afin que soit enfin rétablie l’image d’une France tant écornée depuis cinq ans. Demain, réélu dans sa circonscription béarnaise, il se positionnera naturellement dans l’opposition, mais ce sera un adversaire de talent et je ne doute pas un instant de le voir approuver, lorsqu’elles le mériteront selon son jugement, des propositions émanant de la majorité future. C’est aussi cela la démocratie, sereine et juste, lorsqu’elle est menée par des hommes de culture et de pensée.
S’abstenir ou ne rien dire en cette période charnière où le choix d’une société peut basculer vers l’abîme de la violence ou, au contraire, vers le sommet d’une paix retrouvée sans rien minimiser des efforts à accomplir, eût été la marque de l’inconscience. Mais il a su s’exprimer et les mots qu’il employa tonnent tel un verdict impitoyable à l’encontre de celui qu’aucune forfanterie n’arrête. Et puis, enfin, être du centre, c’est aussi ne pas toujours s’agenouiller devant les autres. C’est peut-être là, par parenthèse, tout le drame qui mine ce parti de notables provinciaux qui, malgré les multiples déchirements internes, se sont toujours retrouvés pour s’allier avec la droite et approuver jusqu’aux choix les plus attentatoires à la devise républicaine. Sans doute aujourd’hui la coupe était-elle un peu trop pleine du breuvage amer de l’indécence liberticide.
Bien sûr les partisans du conculcateur de la morale n’éprouvent-ils pas la même satisfaction que ceux de l’intègre, loin s’en faut, et je conçois fort bien la déception que peuvent ressentir ceux qui souhaitaient, espéraient le ralliement du centriste. Ils le disent et c’est bien normal. Mais il y a façon et celle de Copé pensant —cet oxymore!— de la décision de Bayrou « …qu’elle est plus motivée par un dépit personnel que par des vraies raisons de fond » est indigente et montre, s’il en est encore besoin tant on l’entend réciter des brèves de comptoir en lieu et place d’arguments, qu’il n’a aucune notion de ce que peut être l’honneur d’un choix difficile quand il s’agit de ne pas bafouer les principes qui dirigent une existence.
Cet homme, décidément, ne comprend rien. Il est creux comme un tambourin qui ne résonne que sous les baguettes du batteur qui l’utilise et sans lequel il n’est rien.
A la différence de Bayrou qui a su ne pas vendre son âme au diable.
Nous entendons régulièrement la réflexion, qui se veut définitive et absoudre de tout reproche celui qui l’exprime, que droite ou gauche c’est la même chose et que par conséquent voter ne sert à rien ou, en pis aller, se décider pour un vote blanc.
Voilà bien l’affirmation la plus stupide qu’on puisse entendre, exprimant la totale vacuité d’un esprit relatif à la chose publique, à moins qu’il ne s’agisse de sourds et d’aveugles n’écoutant pas les discours des uns et des autres ou ne voulant comparer les méthodes appliquées pour gouverner. En cette période, c’est impardonnable.
Nous-même, qui vivons très à l’écart dans notre caverne, ne pouvons échapper au flot des intentions des candidats l’inondant.
Quant à décider de voter blanc, c’est ne rien décider du tout et faire preuve d’une mollesse d’esprit que seul un philosophe de droite peut expliciter pour se convaincre de ne pas voter à gauche.
Aussi, en quelques mots succincts, allons-nous recenser les impétrants à la fonction suprême. Avec la mauvaise foi qui nous caractérise et notre préférence prétendue intangible. Car, s’il est vrai que tous ont des arguments pour lutter contre la crise, le chômage, le déficit du commerce extérieur, les délocalisations ou encore régler le problème de la dette, certains ont des solutions irréalisables, fantaisistes ou totalement radicales à faire grelotter un manchot égaré sur la Côte d’Azur.
Cheminade, il a de bonnes idées mais les métaphores cosmiques qu’il utilise le décrédibilise. La France n’a pas les moyens de se lancer, seule, dans la conquête spatiale.
Arthaud est adorable quand elle sourit, ce qui lui arrive rarement et jamais lors de ses meetings où la haine qui transpire de son discours vient ruisseler sur son visage. Elle promet le grand soir pour une nuit encore plus noire. Avec elle plus de banques, plus de patrons, que des travailleurs inamovibles. Comme en Corée du Nord où il n’y a ni banques ni patrons, que des travailleurs dévoués ou des récalcitrants dans les camps.
Poutou, le sympathique au regard si doux, trompe son monde puisqu’il préfère séquestrer les patrons qu’imaginer gouverner. C’est quand même insuffisant pour un programme.
Dupont-Aignant se dit héritier de de Gaulle. Si on l’écoute attentivement il serait plutôt l’enfant adultérin que le couple improbable, Sarkozy-Le Pen, aurait enfanté. En retard d’un millénaire, ses idées mènent droit à l’isolement de la France. Il en est encore à l’unification de la Gaule alors que l’Europe se dessine.
Le Pen ou la démagogie pour programme. Il n’est que d’analyser les rares villes où son parti gagna les municipales, devenues exsangues, pour s’en convaincre. Si l’on ajoute un rejet systématique de tout ce qui est étranger, la France, avec elle, se claquemure derrière des miradors.
Joly ignore la réalité de la nature, comme tous les écologistes qui la contemplent de loin. Rêveuse, il faut la laisser cueillir les rares pâquerettes qui poussent dans le square de son quartier. Ce qui n’est pas un crime contre l’environnement malgré le tribunal qu’elle souhaite instaurer pour juger ces dangereux profanateurs de parterres.
Bayrou pourrait avoir un certain charme. Désuet et littéraire. Mais la France a besoin d’autre chose qu’un littérateur mou. C’est l’impression qu’il donne quand on l’écoute. Pourtant j’aime la littérature. Mais le centre, c’est quoi, sinon l’indécision. Pour preuve, sa constante critique de Sarkozy, dans les médias et son bouquin, superbement affichée, au parlement, par son vote constant avec la majorité.
Mélenchon, tout n’est pas mauvais chez cet homme, comme affirmer que le métissage est une chance pour une nation. C’est un peu court, même si c’est vrai. Mais on a quand même le sentiment qu’il ne peut pas croire en tout ce qu’il dit, sinon, avec lui, c’est l’URSS d’hier en perspective. Beaucoup de bruit pour une mélancolique dictature du prolétariat. On a dû oublier de le prévenir que le mur de Berlin était tombé.
Sarkozy, c’était déjà une erreur il y a 5 ans. On ne va pas en reprendre pour cinq années à le voir gesticuler et n’aboutir à rien sauf à raboter tout ce qui a fait la France de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Son bilan est une catastrophe économique et sociale ; or, comme il n’a d’autre programme que celui de poursuivre dans la même voie ou d’avoir des idées-minute incompatibles avec l’Europe, on peut déjà juger où cela nous mènerait. Une France divisée après avoir été rabotée. Restera quelques copeaux.
Hollande, enfin, avec ses défauts, certes, mais au moins la conviction de tout faire pour redonner à la France son prestige et gouverner avec justice, sans parti pris ni démagogie. Respecter, rassembler, dialoguer ! Tout le contraire du précédent. Et puis, qu’on ne s’y trompe pas, favoriser l’éducation comme il l’a promis, est le reflet d’une volonté d’avenir. Un peuple ne survit que par le savoir, l’enseignement, d’où découlent le dynamisme et la force d’une nation. Insuffisant sans doute mais nécessaire pour ranimer la flamme de l’enthousiasme et apporter à l’économie le souffle qui lui manque actuellement. Pour cesser de vivre en apnée. Nous allons donc le prendre aux mots.
C’est une esquisse très partisane, nous en convenons et totalement approximative quant aux programmes de ces candidats à l’Elysée. Mais c’est l’exégèse que nous avons faite pour se décider. Notre ressenti en quelque sorte, très injuste, car choisir c’est aussi rejeter ; et pour le faire sans remords autant ne voir que ce qui est mauvais chez les uns pour magnifier le meilleur chez l’autre.
Mais l’essentiel est de participer, pour la démocratie. Alors votez !
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