Depardieu, rideau.

9 janvier 2024 § Commentaires fermés sur Depardieu, rideau. § permalien

Rideau rouge de l’Opéra Garnier – Joe de Sousa – Wikipedia

   Il y avait bien ce remaniement ministériel dont j’eusse pu développer l’inutilité dans ce billet ; après tout Borne était une excellente cheftaine et Attal est un peu jeune et inexpérimenté pour le rôle (mais aux âmes bien nées, selon Corneille, rien ne résiste, et sa nomination va en défriser plus d’un ; ce qui n’est pas pour déplaire ; nous verrons bien) ; également des sujets de préoccupations plus importants, émergeant chaque jour, à évoquer, tel Trump le psychotique, ou Poutine le nouvel « empereur et autocrate de toutes les Russies ». Il y avait le choix et je n’avais guère envie de revenir sur l’affaire Depardieu, cette tragicomédie que des acteurs, saltimbanques en mal de rôle et de publicité, ne se lassent pas de jouer chaque jour. Or, deux ou trois tirades débitées par ces tabarins d’occasion m’ont interpellé et interrogé sur leur capacité à raisonner sainement. De ces nombreux tartufes d’estrade, chacune pour soi, jouant les procureuses auto proclamées, deux cabotines d’entre elles ont débité leur réquisitoire à l’instar d’un Fouquier-Tinville ressuscité à Moscou, Pékin ou Téhéran. L’une d’elles, I. Mergault, ignorante de ce qu’est un avocat, intima avec la vulgarité qu’on lui connaît, à Béatrice Geissmann Achille qui défend Depardieu « De bien fermer sa gueule » en la traitant de « connasse » (à ce sujet il est à remarquer la bégueulerie des journaux dont la plupart scindent les mots qu’ils trouvent triviaux avec des petits points). Quant à la seconde, V. Giocante, avec une certaine délectation, elle témoigna, sans aucunement préciser date, lieu et œuvre en question, avoir vu, de ses yeux vus, « les gros doigts de Gérard plonger dans la culotte d’une figurante pour tripoter son intimité ». Et je n’évoquerai pas le troisième personnage, J. Weber, grand par la taille à défaut d’autre chose, reniant sa signature apposée la veille au bas d’une pétition. Tous trois faisant ainsi fi de la présomption d’innocence. Il n’y a pas qu’eux, car, avec la même ardeur qu’un Savonarole envoyant au bûcher ses paroissiens, des crétins théocratiques, faux culs, veulent censurer les films où joue Depardieu, ainsi que, vieilles rombières désenchantées, actrices ménopausées ou journalistes amnésiques, ils signent des pétitions contre lui quand d’autres se réveillent un matin et pensent, qu’elles aussi, du temps de leur jeunesse, elles durent subir les assauts du mastodonte. Cette meute aboyante m’effraya et me décida à changer mon fusil d’épaule.

   Holà ! Bouffons d’opérette, nous ne sommes ni au théâtre, ni dans un film, ni en dictature, nous sommes en démocratie où la justice se rend dans les prétoires, dans les salles d’audience, dans le bureau d’un juge et en aucun cas sur la place publique et sommairement. La présomption d’innocence, notre habeas corpus anglo-saxon allégé, qui garantit la liberté individuelle et évite l’arbitraire, est constamment violée par vous, pisse-vinaigres envieux jouant votre partition avec la constance des prostatiques courant vers les toilettes.

   Encore un mot. Laissez faire la justice, elle est non seulement impartiale mais sévère également (43 % des peines pour viol sont supérieures à 10 ans de prison). Pour vous en convaincre il n’est que d’aller assister à une session de cour d’assises en jugeant un (il y a plus de procès pour viol que pour meurtre, de l’ordre de 4 pour 1 selon mes propres estimations). Alors vous saurez, de l’accusé, des témoins, des enquêteurs, des experts, tous pressés de questions, essorés, étreints, exhortés, ce que sont les réponses, les témoignages et les comptes rendus décortiqués par le Président, l’avocat général, ceux de la défense ou des parties civiles, ce qu’est une accusation, un véritable réquisitoire, une vraie plaidoirie. Vous découvrirez l’évidence du rôle d’un avocat, loin, bien loin de vos simagrées pitoyables, ainsi que ce qu’est un vrai débat à charge et à décharge. Mais également le risque inhérent à toute non-assistance à personne en danger, si vous fûtes témoins des faits sans réagir, et si la culpabilité du prévenu est démontrée, prouvée, d’une peine équivalente à la sienne. Car le viol est un crime. Tout le reste de votre part n’est que gesticulation de Guignol avec le brigadier.

   Enfin, en baissant le rideau rouge sur vos exploits déclamatoires, vous éviterez à la société de croire que vos pantomimes sont le reflet de la vérité et que notre démocratie, dont vous violez, avec les médias, actuellement les principes, devient avec vous une dictature.

Depardieu joue Falstaff

9 décembre 2023 § Commentaires fermés sur Depardieu joue Falstaff § permalien

Falstaff faisant sa cour à Mrs Ford (ou Mrs Gué selon la traduction de F-V Hugo*). John Masey Wright (1777–1866) – Folger Shakespeare Library

   BOF ! J’ai regardé une partie du prétendu reportage sur Depardieu et Moix en Corée du Nord. Franchement, il n’y a pas quoi fouetter un chat, pour employer cette locution qui date du XVIIe siècle. Hormis que ces deux-là, en assistant à l’anniversaire du dictateur de Pyongyang, ont l’air d’apprécier sa joviale autorité. Entre pachydermes, vous me direz qu’il n’est pas nécessaire de traduire leurs barrissements. Car Depardieu, éructant dans un fauteuil roulant poussé par un coolie local pendant que l’autre insignifiant rigole en le filmant, à plus l’air d’un pathétique tyran devenu pétomane que d’un obsédé sexuel qui le serait plus que tous les mâles qui déclament en proutant avec autant d’élégance et de banalité les mêmes blagues éculées sur le genre féminin autour d’un petit blanc sur le zinc du comptoir du coin, en dégustant un Expresso près de la machine à café des bureaux, lors d’une pause sur les chantiers d’érection de building, en se délassant dans les internats de carabins ou en rotant dans les repas d’un congrès de VRP. Et si le pachyderme a un peu plus de talent que les précédents, il est tout aussi vulgaire, grivois, libidineux, obscène et sans conséquence autre que la stupidité et la démonstration d’une absence d’éducation. Quant à vouloir démontrer que, ipso facto, cela fait de lui un violeur, la meute des aboyeurs emprunte un raccourci hasardeux. Corrélation ne vaut pas causalité. Laissons la justice trancher, si elle doit le faire un jour.

   Pour leur part, les anonymes des réseaux sociaux, journalistes, politiques et pudibonds de tout bord qui poussent des cris d’orfraie, rougissent ou hurlent au scandale, combien sont-ils de cette meute évoquée plus haut à ne pas avoir un jour déblatérer une vanne graveleuse, salace ?

   Aujourd’hui il faudrait vivre dans une bulle aseptisée. Ne plus rien dire. Vivre comme Isidore, le rosier de Mme Husson, choisi par défaut parce qu’aucune des femmes de Gisors n’était assez chaste : « Les mots hardis, les gauloiseries, les allusions graveleuses le faisaient rougir si vite que le Dr Barbesol l’avait surnommé le thermomètre de la pudeur. Maupassant, Contes et nouvelles, Le Rosier de Mme Husson, p. 22 ». La suite de l’histoire montra que le pudibond s’encanailla pour son malheur.

   Pour employer une expression postérieure à la précédente, je pense qu’il y a, en ces jours d’avenir sombre, d’autres chats à fouetter que de s’étourdir de ces billevesées libidineuses d’un Falstaff en goguette accompagné d’un Bardolphe falot et faux cul.

   Depardieu est un grand acteur, certes, mais qui a conservé les habitudes des loubards de sa jeunesse castelroussine, sans avoir su égriser le diamant des manières. Il y avait les mêmes dans le bas de la rue de mon enfance. Comme bien d’autres croisés plus tard un peu partout, entendus ou lus. Pierre Perret, par exemple qui conseille de « tourner sept fois sa langue dans la bouche de sa voisine. » Vous croyez que c’est mieux ? Et pourtant il y a des écoles et collèges qui portent son nom.

   Clap de fin.


*François-Victor Hugo, fils de Victor, n’a traduit le nom que d’un seul des personnages, Ford en Gué, afin de rendre compréhensibles les calembours de l’acte III, scène V des Joyeuses commères de Windsor (gué, fontaine).

Meurice, épisode 2. Le Lanternier

13 novembre 2023 § Commentaires fermés sur Meurice, épisode 2. Le Lanternier § permalien

Lanterne

 

   Il y a une vieille expression connue jadis de François Villon, « Rendre vessies pour lanternes ».

   C’est ce que tente Meurice qui proclame, benoîtement, regretter d’avoir traité un fasciste de nazi. Il aimerait nous faire croire qu’il s’est grossièrement trompé.

   Tout d’abord le parti nazi était apparenté à la famille politique du fascisme. L’une ou l’autre acception, c’est du pareil au même.

   Donc sa pseudo excuse est irrecevable.

   Ce qu’il a véritablement voulu dire, volens nolens, en traitant Netanyahou de nazi sans prépuce, a bien une connotation antisémite et non politique. Car les mots ont un sens, y compris et surtout sous forme de boutade.

   Il avait déjà fait preuve d’ignorance, comme démontré précédemment ; aujourd’hui il récidive. C’est donc un bonimenteur qui voudrait nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

   Car l’acception lanterne, qui dans l’expression susdite ne remonte qu’au XIXe siècle, exprimait à son origine l’idée de baliverne, d’absurdité. « Vendre vessie pour lanterne », est une locution de 1174 environ. Les deux termes, qui dans l’absolu ont une image ressemblante, expriment métaphoriquement accouplés, l’idée de vendre du vent et non la confusion des objets*. Un lanternier était un raconteur de balivernes, ou diseur de fadaises pour vendre ses lanternes. La vessie, peau de porc gonflée d’air, donc de vent, et la lanterne, boniment. Ce n’est donc pas, comme on l’utilise de nos jours, se tromper grossièrement, croire que la vessie ressemble à une lanterne, c’est-à-dire altérée de sa signification originelle de duper son monde.

   Meurice est donc un bonimenteur qui, s’apercevant de l’imbécillité dont il a fait preuve et craignant pour la suite de sa carrière, tente, par une entourloupette, de nous embobiner ; de nous mystifier.

   La prochaine fois qu’il voudra faire un bon mot pour doper son auditoire, il aura tout intérêt à plonger dans une encyclopédie ou un dictionnaire, s’il en sait le sens, pour apprendre à lire et éviter de se noyer dans ses pasquinades. Car à revendiquer l’outrance on tombe dans le vulgaire.

   Cela étant dit, rien ne justifie les menaces reçues par l’humoriste, non plus que la diffusion de l’émission dernière sans public. Il doit être encore possible, en France, de s’exprimer sans craindre la violence d’ultras crétins, autre que celle d’une critique raisonnable et fondée.

 

   *P. Guiraud, « Les Locutions françaises » P. 86 (books.google.fr/)

La Cisjordanie

9 novembre 2023 § 3 commentaires § permalien

La militante palestinienne Ahed Tamimi, ici en février 2018. AP – Ariel Schalit

  

   « Une figure de la cause palestinienne a été arrêtée en Cisjordanie occupée, lundi 6 novembre. Ahed Tamimi, 22 ans, a été interpellée à son domicile à Nabi Saleh, près de Ramallah, dans la matinée par l’armée israélienne, qui la soupçonne d’« incitation à la violence et à des activités terroristes ». La jeune femme est, depuis des années déjà, une icône palestinienne qui embarrasse l’État hébreu. »

   C’est par ces mots que commence le court article paru sur le site internet de RFI.

   On ignore les raisons de son arrestation, sinon qu’on la soupçonne d’inciter à la violence. Donc on imagine. Or imaginer n’est pas prouver.

   Depuis l’âge de quatorze ans, après qu’elle a mordu un soldat israélien pour défendre son jeune frère, elle milite pour la libération de son territoire occupé par Israël (j’allais écrire son pays, mais seule une infime partie – à peine 10 % de sa superficie – est administrée par les Palestiniens) et envahi de ses colons fascistes et hégémoniques.

   Mais militer n’implique pas forcément la violence. Elle souhaite simplement vivre en paix, chez elle, dans son pays, sur sa terre.

   La Cisjordanie aurait pu être ce pays évoqué pour les Palestiniens afin qu’ils vivent aux côtés d’Israël. Depuis la guerre des 6 jours, en 1967, l’État Hébreu en a décidé autrement.

   Mais le pire est cette colonisation inique ininterrompue, marque de l’hégémonie insensée de l’extrême droite qui dirige ce pays depuis des décennies.

   En décembre 2008, j’écrivais un billet sur ma lassitude de toujours constater la vengeance par les armes, exercée par Israël. Et il ne faudrait pas que cette violence se propageât sur la Cisjordanie.

   Mais rien n’a changé.

   Je disais, alors, que chaque bombe larguée multiplierait par cent ceux qui ne pardonneront jamais et se vengeront à leur tour.

   Rien n’a changé.

   Je disais que ce gouvernement n’engendrait que la haine en dédaignant les Palestiniens, en les parquant comme du bétail, en ne leur proposant que la violence et l’irrespect.

   Rien n’a changé.

   Bien sûr, le Hamas est un groupe terroriste et les crimes commis le 7 octobre sont, eux aussi, abominables, impardonnables.

   Bien sûr, je comprends le désarroi de ce peuple face à l’ignominie.

   Bien sûr, le désir de vengeance, normalement, humainement, envahit chaque cœur meurtri.

   Mais jusqu’à quand ?

   Rien ne changera donc jamais ? Et il ne faudrait pas que cette violence se propageât sur le territoire occupé de Cisjordanie.

   Et pourtant, si vous ne voulez pas que l’antisémitisme continue d’exploser dans le monde, si vous ne voulez plus entendre ces cris de haine à votre encontre se déversant tel un fleuve en cru, si vous ne voulez pas disparaître un jour, si vous ne voulez pas que vos enfants, demain, souffrent comme vous avez souffert, il vous faudra trouver la solution d’une paix pérenne, par le dialogue et non les armes. Sauf à vous complaire dans ce rôle de victime qui n’est plus de mise aujourd’hui.

   Et cette paix passe par l’instauration d’un État Palestinien, véritable, libre, autonome à vos côtés. Que vous le vouliez ou non.

   Alors, de grâce, quand les bombardements se seront tus sur Gaza, inutiles sans doute dans leur finalité, mais nécessaires à calmer votre douleur, à panser vos plaies, abandonnez cet impérialisme qui n’est plus de mise en ce siècle, ne considérez plus vos frères Palestiniens comme des ennemis systématiques et laissez-leur l’espace nécessaire pour qu’ils puissent vivre en paix à vos côtés.