Voyage à Anticyre

31 décembre 2020 § Commentaires fermés sur Voyage à Anticyre § permalien

 

Gustave Doré – Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer – 1861 – Musée municipal de Bourg-en-Bresse

 

    La ville d’Anticyre, en Phocide, terre sacrée de la Grèce antique, célèbre autrefois pour l’Hellébore que l’on y cueillait, fut à l’origine d’un dicton : « Avoir besoin d’un voyage à Anticyre. »
Diable ! Que signifie ? L’hellébore, ou ellébore, sorte de renoncule, avait un pouvoir purgatif, mais plus encore pensait-on la faculté de rendre la leur à ceux qui l’avaient perdue. L’hellébore (du grec Ελλέβορος) avait donc une fonction cathartique étendue en guérissant aussi de la folie. D’où maître aliboron qui signifiait (seule étymologie que je retiendrai) docteur qui administre de l’hellébore avant de glisser par contresens, ou parce que notre plante est inactive, vers notre baudet. De savant le sobriquet signifia quelqu’un qui sait tout et ne fait rien d’utile. Un âne.
Bref, venons-en à mon propos qui voudrait que certains qui nous gouvernent eussent un urgent besoin d’un voyage à Anticyre pour, comme le disait La Fontaine dans le Lièvre et la Tortue, « Ma commère, il vous faut purger avec quatre grains d’ellébore. » Les décisions qui sont prises devenant ineptes. Et surtout, surtout, déglinguent, détraquent les esprits, particulièrement ceux peu formés d’une jeunesse qui se devrait être insouciante.
Figurez-vous que pour ces fêtes, ma petite fille âgée de seize ans prévoyant de festoyer avec quelques amis, s’inquiétait de voir la police débarquer intempestivement et de verbaliser tout le monde en pénétrant le lieu de perversion où neuf enfants, au lieu des six préconisés par les aliborons du ministère, boiraient du sauternes entre deux jets de serpentins en cette nuit de nouvel an.
Nous eûmes beau vouloir la rassurer, son père et moi, rien n’y fit. Elle demeura convaincue, comme les autres lurons de sa bande, que maréchaussée ou autres keufs avaient tous les droits pour leur glisser les mains dans le chapelet et les conduire manu militari en calèche.
Nous ne le répéterons jamais assez, la police n’a pas tous les droits et particulièrement celui de pénétrer chez les gens, de jour et non la nuit, sans commission rogatoire. Même après dénonciation de voisins bilieux pour tapage nocturne. Il ne s’agit en rien de terrorisme, mais d’une interdiction temporaire et stupide de ne réveillonner qu’en comité restreint, puis de dormir sur place. Par conséquent nous lui conseillâmes, qu’ils soient six, neuf ou soixante, peu importe, dans un souci de salut public d’envoyer paître ces gardiens de la paix si d’aventure ils pointaient leurs mufles suspicieux sur le devant de leur porte en graillonnant comme des covidés.
Il est quand même impensable qu’à force de discours angoissants, de bourrage de crâne, de lavage de cerveaux, on puisse transformer une jeunesse pleine d’idéal, d’entrain, de joie de vivre, en serpillière craintive d’un avenir qu’on lessive à grand renfort de prédictions dantesques.
Le chemin de la vie est semé d’embûches, de dangers, d’obstacles. Les virus, bactéries et autres pathogènes en font partie. Les flics aussi. Le propre de la jeunesse est d’en faire fi. Si à seize ans la crainte doit guider les actions, qu’en sera-t-il à l’âge mûr ? Nos sociétés œuvrent pour un avenir radieux, lisse, à la chinoise, de clones anxieux, pusillanimes, terrés dans l’étroitesse de leurs cavernes, approuvant toutes les impostures.
Fourier déclarait que « Le recours à la contrainte est précaire et dénote toujours un manque de génie », mot sensé qu’Alain aimait répéter.
Nos gouvernants ? Des ânes, vous dis-je, qui auraient bien besoin d’un voyage à Anticyre pour y suçoter des grains d’hellébore. Au moins ça leur purgerait les entrailles à défaut de l’encéphale.

Flics en bande organisée

1 décembre 2020 § Commentaires fermés sur Flics en bande organisée § permalien

 

Marcel Gromaire – La guerre – 1925 – MAM – Photo RMN

 

    Suite à la débauche de coups assenés sur Michel Zecler, producteur de musique, par une bande organisée de trois flics s’imaginant au-dessus des lois, puis la forfaiture consistant à produire un faux compte rendu relatant les raisons de son arrestation pour le moins musclée, il n’y a pas grand-chose à ajouter à leur mise en examen ni à l’incarcération de deux d’entre eux, sinon que je ne comprends pas bien les raisons du juge d’en exonérer le troisième ainsi que celui qui s’entraîna au balancement de grenade en lieu clos et privé.
Mais je ne suis pas juge, heureusement.
Il y a toutefois un point que j’aimerais préciser. Ces gardiens de la paix, les mal nommés, devraient en plus de leur mise au ban de l’humanité, paradoxalement, recevoir les félicitations du jury si d’aventure ils comparaissent un jour en cour d’assises pour leurs crimes.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il ont brillamment démontré, à leurs dépens, in vivo, tout d’abord l’inanité de la loi de sécurité globale – dont on se demande qui sont les imbéciles qui ont cru bon d’ajouter à ce qui existe déjà – contre laquelle défilèrent samedi un grand nombre de partisans de la liberté – malgré, comme toujours, les forfaits commis par ces voyous que sont les black blocs, meute sans idéologie hormis celle de casser du flic et du matériel, au comportement tout autant inacceptable qui gangrène et décrédibilise toute manifestation – ensuite ont prouvé, une fois de plus, que le fait de porter une casquette de policier vous transforme un crétin en malfaiteur sûr de son impunité.
Il devient donc urgent de revoir de manière approfondie le recrutement et la formation des policiers, surtout lorsqu’on assiste, pratiquement en direct grâce aux multiples témoins munis d’un téléphone portable, à la méchanceté totalement gratuite d’un commissaire qui, croyant jouer encore dans la cour de récréation de la maternelle où il étudia assidument la déontologie, fit un croche-pied à un migrant qui courrait, pendant que ses sbires, lundi dernier, secouaient et détruisaient des tentes pour en extirper des hommes, des femmes et des enfants qui tentaient de se protéger du froid dans l’attente d’un abri décent, les cognaient à qui mieux mieux aussi sauvagement que le samedi suivant, le journaliste qui se retrouva à l’hôpital, nez fracturé, après avoir tâté de leur matraque.
Toutes ces exactions sont inadmissibles, de plus déshonorent l’ensemble de leur corporation.
Si la police ressemble à ça, je ne m’étonne pas qu’elle réclame une loi pour masquer les actions indignes qu’elle commet (quel eût été l’avenir de Michel Zecler si les images de son tabassage n’avaient été diffusées ?) non plus que je m’interroge sur l’humanité toute spéciale que leurs anciens déployèrent lors de la rafle du Vel d’hiv, sans aucun doute les prolégomènes à cette « …ligne républicaine qui sert de guide, cette ligne qui a éclairé les pas de nos anciens dans les ténèbres de l’histoire… » comme le chantonne l’actuel préfet de police de Paris dans un courrier adressé à ces fonctionnaires à l’enthousiasme percutant.
Quant à Darmanin qui pense que déconner caractérise un crime, je lui conseille de consulter les dictionnaires avant de parler et à son devancier dans la fonction, Castaner, d’arrêter de se gargariser en prédisant une refonte de l’article 24 qui, en l’état, ne peut être rectifié car actuellement devant le Sénat. Le plus sensé serait de retirer le projet de loi. D’autant qu’il existe suffisamment de textes pour châtier les délateurs criminels du bord adverse qui déversent honteusement sur des réseaux dits sociaux leurs menaces à l’encontre des policiers, mais aussi contre tous ceux qui ne pensent pas comme eux.

Athéna en blouse blanche

17 juin 2020 § Commentaires fermés sur Athéna en blouse blanche § permalien

https://twitter.com

Capture d’image ; adresse de la vidéo: Twitter

     
     Caparaçonnés comme des pangolins, on admire sur la courte vidéo diffusée sur Twitter les sbires casqués, armés, avec sur le dos un écriteau sur lequel est inscrit en lettres aussi majuscules que leur attitude est minable le mot « police ». 
     Cette armée interpelle une femme, avec autant de délicatesse la belle Hélène que Ménélas, son époux, voulait tuer pour l’avoir abandonné ; celle de nos policiers les ayant copieusement insultés quelques minutes auparavant en leur balançant des pavés aussi gros que les cailloux du Petit Poucet. 
     L’un des pangolins, malgré casque, bouclier et cuirasse, aurait été touché puis opportunément blessé par un projectile contre lequel il ne put rien, hormis la satisfaction de déposer une plainte. 
     Qu’on ne se méprenne pas, je ne cautionne en rien l’imitation d’une Athéna en blouse blanche assommant son frère Arès d’un jet de pierre lors du siège de Troie. En revanche je désapprouve la réaction disproportionnée de ceux qu’on dénommait autrefois les gardiens de la paix. 
     Et notamment celle de ceux unis dans une sainte sarabande autour de la victime tirée par les cheveux et dont ils tentent vainement, par des mouvements qui s’apparentent à ceux d’un menuet hippopotamesque, d’en masquer la violence et surtout cacher à l’œil des caméras qui tourbillonnent autour d’eux l’attitude infâme de leurs deux collègues dont on se dit qu’elle aurait pu dégénérer si un troisième comparse n’était venu les calmer. 
     Si ces flics avaient la conscience tranquille, ils agiraient en toute transparence, sans vouloir se dérober à la vue, se soustraire à tout jugement, ce qui les rend obligatoirement suspects, et partant, mésestimables.
     Il ne faut donc pas s’étonner si, par épisode, le peuple crache sur sa police.

SANS-PAPIERS/CRAINTE APRES LE LIMOGEAGE DE Y.BLANC

28 janvier 2008 § Commentaires fermés sur SANS-PAPIERS/CRAINTE APRES LE LIMOGEAGE DE Y.BLANC § permalien

Le rapport Attali préconise de faciliter l’immigration pour faire face à la pénurie de main d’oeuvre patente dans certains secteurs. Nicolas Sarkozy a retenu cette proposition malgré les cris d’effraie des pusillanimes de sa majorité.


Oui, mais… dans le même temps son ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité etc… a fixé des quotas de reconduites aux frontières. Or sur les 3680 prévues seules 2800 ont été effectuées en 2007. Une goutte d’eau quand on sait que près de 400.000 personnes vivent sur notre sol sans papiers. Mais cette goutte d’eau a sans doute fait déborder le vase où s’exposent les fleurs offertes à la vue des votants. 


Tel un contremaître pas trop sûr de sa compétence, voulant ménager la chèvre et le chou, plaire aux uns et aux autres, aux actionnaires et aux ouvriers, pour se bien faire comprendre, démontrer son pouvoir, N. Sarkozy limoge celui qui osa le démentir un jour d’été 2006, comme par hasard à l’heure où les fameux bilans se consultent. Beau prétexte! 


Tout remonte à un article paru dans Le Monde de l’époque où Yannick Blanc disait tout haut ce que les autres taisaient, à savoir que les reconduites à la frontière ne se pratiquent pas à coup d’annonce. Le ministère de 2006 ne prévoyait que quelques centaines de régularisations alors qu’en réalité on savait qu’il y en aurait quelques milliers du simple fait de la législation européenne, des passe-droits réclamés et obtenus par les amis des amis qui ont un ami au gouvernement et dont la femme de ménage a besoin d’un papier, de la circulaire ministérielle du 13 juillet 2006 offrant aux préfets plus de souplesse afin de calmer l’ardeur et la colère des associations comme RESF. Le ministre de l’intérieur était N. Sarkozy qui répliqua, cinglant, « tous ceux qui parlent de chiffres aujourd’hui parlent de sujets qu’ils ne connaissent pas. »


Je pense au contraire que M. Blanc était vraisemblablement le mieux placé pour en parler. Ce n’est qu’un avis, mais il me semble évident, tant on sait, pour reprendre l’exemple du contremaître, que l’ouvrier en sait plus que lui dans le domaine qu’il maîtrise. Rien qu’à Paris il y a 4000 régularisations par an. Mais N. Sarkozy l’ignorait sans doute. On n’avait pas dû l’informer.


L’ire Sarkozienne débuta ainsi: Yannick Blanc osait pointer du doigt les contradictions d’une politique d’immigration de façade électoraliste. Comme de plus c’était un ancien collaborateur de J.P. Chevénement, cet homme cumulait les handicaps.


Et il a la rancune tenace notre petit nouveau: c’est lui-même qui a signé le décret, présenté par le ministère de l’Intérieur, mettant fin aux fonctions de Yannick Blanc, directeur de la police générale de la Préfecture de police de Paris. Une première! Il n’est quand même pas allé jusqu’à lui annoncer de vives voix son limogeage, il l’ a fait faire, par téléphone, encore une innovation, par un autre.


Ainsi, avec ce départ, toute la hiérarchie de la police est acquise au régime. Et les sans-papiers désormais craignent le pire car Y. Blanc savait agir aussi avec discernement comme il le précise dans Libération de vendredi: « « J’ai fait avec Resf mon métier, comme je l’ai toujours fait avec les interlocuteurs conflictuels de l’Administration. J’écoute les gens, je négocie ce qui est négociable. Dans les dossiers signalés par Resf, il y avait des situations familiales, voire humanitaires, vraiment dignes d’intérêt. Dans le cadre de ma fonction, j’ai toujours fait mon métier, avec ma personnalité, mais cela n’a pas été défavorable à l’institution au sein de laquelle je travaillais. »


Tout est donc pour le mieux. Tout est rentré dans l’ordre. Brice Hortefeux va pouvoir aligner ses prochains chiffres. Il aura un bon bilan, les félicitations du patron, une promotion peut-être, et quelques êtres humains seront jetés en pâture aux bonnes âmes qui applaudiront en chantant « volez charters! »

Chemin

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