L’âge pivot, une sottise

17 décembre 2019 § Commentaires fermés sur L’âge pivot, une sottise § permalien

Louis-Léopold Boilly – Les amateurs de tableaux – 1823 – lithographie au crayon – NGA
17 décembre 
     Si pour les chrétiens la Pentecôte est la descente, l’effusion, le souffle de l’Esprit Saint décoiffant les apôtres, la nomination d’un ministre est très loin d’en être l’équivalent pour une équipe gouvernementale plus préoccupée de jactance prêtant à rire ou à déprimer, que par la diffusion de la bonne parole. 
     La date pivot suggérée par le premier d’icelle est une sottise de plus à mettre à l’actif de ces politiques qui n’en sont pas à quelques gourdes près, amateurs s’il en est dans leur comportement. 
     Si avant-hier je déclarai que cet âge pivot de 64 ans (1) pour un départ à taux plein ne s’appliquerait qu’à ceux nés après 1975, je fis erreur, puisqu’une lecture plus attentive des mesures envisagées, démontre que cette date concernerait également de manière progressive ceux nés à partir de 1960. Mea culpa, mea maxima culpa, pour rester dans la phraséologie chrétienne, bien que je suggérai d’en discuter. 
     Mais peu importe. Fixer un âge pivot en matière de retraite à points est une ineptie. Pour plusieurs raisons. 
     La première, alors que ce pivot butoir serait prétendument institué afin d’équilibrer les comptes, est que les boomers – comme les appellent dédaigneusement de jeunes crétins qui, vais-je leur apprendre, n’existeraient pas sans eux – arrivent à péremption et disparaissent progressivement les uns après les autres. Par ce seul fait les comptes seront d’aplomb naturellement, apurés et sans doute excédentaires. La natalité baissant étant compensée par l’apport de l’immigration. 
     La seconde est que cotiser par points permet de savoir exactement ce à quoi donne droit, à date donnée, les versements effectués. Or, si le fait de cotiser plus longtemps permet d’augmenter sa pension, nul doute que beaucoup seront tenter de poursuivre leur carrière, différer une mise au rebut parfois mal vécue. La pénibilité étant toujours prise en compte avec l’âge légal de 62 ans intangible – et pourquoi pas revenir à 60 ans grâce à la négociation ? – tout comme la valeur du point, ces deux marqueurs de justice inscrits dans la constitution. 
     D’autant que, et il s’agit-là de la troisième raison, malgré une éventualité de perte d’emploi, donc de chômage, due au manque de savoir-vivre du patronat, tous les jobs, petits boulots – travail effectué pour survivre, si déclaré – seront soumis à versement de points. N’oublions pas qu’actuellement une majorité de retraités – et parmi celle-ci ceux-là même qui s’arrêtent pour cause de fatigue – recherche et trouve des emplois d’après retraite, rémunérés sous condition, pour lesquels chacun cotise… bénévolement, quand ces emplois ne sont pas au noir, puisque ces cotisation ne rapportent rien, toute retraite liquidée devenant définitive et intangible, au contraire de l’affirmation désinvolte de la porte-parole du gouvernement. 
     Il y a sans doute d’autres détails qui m’échappent et ne nie pas que ce système peut désavantager dans un premier temps les quelques nantis du service public. Mais à terme tous ces avantages disparaîtront car devenant insupportables à la collectivité, intolérables, impensables aux esprits épris de justice. Ou seront légitimement compensés par la négociation pour les professions qui perdent trop eu égard à l’existant. L’évolution d’une société passe par une vision claire de l’avenir et non par l’inconséquence de l’amateurisme des gouvernants.
 
(1) Addenda : L’âge pivot est une véritable escroquerie dans la mesure où il pénalisera ceux qui ont atteint, avant 64 ans, leur nombre de trimestres cotisés  puisqu’ils subiront une décote définitive de 5 % par année anticipée de départ malgré l’âge légal de 62 ans, qui devient de facto une vue de l’esprit. Si j’ai bien compris, car, comme l’affirmait Boileau,  » Selon que notre idée est plus ou moins obscure, l’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure. «  Mais nous sommes loin d’un art poétique quelconque dans ces négociations sociétales.
 
 

3 octobre – Le cafard me gagne

7 octobre 2019 § Commentaires fermés sur 3 octobre – Le cafard me gagne § permalien

Zemmour (capture Youtube)

     J’ai craint le pire et le cafard m’a gagné en voyant Enthoven installé derrière le pupitre d’orateur de la convention de la droite, hétéroclite ramassis, cœurs desséchés d’un parterre râtelé par M. Maréchal. Aurait-il changé le chronico-philosophe ? Non point ! Ouf, je respire ! Invité par les populistes, il répondait aux éructations insanes de Zemmour, penché sur le pupitre, faciès cafardeux avant Ménard, nullard, qu’il n’était besoin de contredire. Enthoven opposait son sourire au rictus momifié des deux autres. 
     Alors ça n’a pas manqué, les huées et les quolibets, insultes, injures, menaces, fusèrent à son encontre. Ne devait pas être très à l’aise dans cette galère le prof de philo et pourtant l’image était belle comme l’antique. Samson face à trois mille Philistins et en tuant mille armé d’une simple mâchoire d’âne. 
     Sinon que ce jour-là nul ne fut tué dans l’amphithéâtre plein comme un œuf de saurien malgré l’envie que devait en avoir certains qui ne furent nullement convaincus et en aucun cas chassés de leur courant idéologique. 
     La question que je me pose, n’étant pourtant pas de ceux qui s’indignent de dialoguer avec quiconque le souhaite, mais face à face, fût-il un adversaire, est de savoir à quoi cela a-t-il pu servir ? Est-il concevable de grimper sur scène lors de la tournée d’un chanteur pour tenter de démontrer à ses fans qu’il a une voix de fausset ? 
     Au risque de se faire lyncher. 
    

Cafard (capture d’écran)

    Au fait, dans l’interprétation des rêves à l’usage de l’Islam, rêver de cafard peut présager une bonne chose si la bestiole est rouge ; en revanche si elle est noire le pire est à craindre.

Journal – 3 septembre

4 septembre 2019 § 2 commentaires § permalien

Le battage du blé noir ou La batterie, Le Pouldu – Paul Sérusier – 1890


   Le reste du chemin à parcourir par l’homme âgé est jonché de cadavres comme autant de fleurs fanées. La mort l’accompagne jusqu’à la ligne d’arrivée, qui est en fait l’ultime départ. 
  J’apprends aujourd’hui le décès d’une femme au visage évanoui. Je l’avais connue alors que nous étions petits enfants. Nous avions elle et moi le même âge et nous jouions ensemble lorsqu’aux vacances d’été nous venions dans le village de nos grands parents.
  Dans la ferme de ma grand-mère maternelle qu’exploitait un couple de métayers, au moment des battages, l’énorme machine à vapeur aux courroies démesurées séparait le grain de l’épi. Un homme sur l’engin juché au bord de la gueule béante du broyeur, l’alimentait des blés moissonnés qu’un autre, arqué sur une remorque accotée, lui jetait en bottes du bout de sa fourche. Du flanc de la machine tonitruante se gonflaient les sacs emplis d’une graine dorée pour le meunier, à l’arrière s’amoncelait la fine écosse éjectée en un geyser ensoleillé, dune sur laquelle, chaque année de nos vacances, nous riions en y grimpant, s’y enfonçant, y roulant nos cabrioles, nous enveloppant d’une fine pelure, son frère, le mien, la fille des fermiers, elle et moi. Puis les battages cessèrent ; fut vendue la ferme. La vie nous sépara.
   Elle s’appelait Margaret. Belle comme le jour, sans doute en fus-je amoureux. À quatre ou cinq ans j’aimais déjà la femme qui se devinait en elle. Je ne l’ai jamais revue, ou peut-être entrevue de loin toujours radieuse. J’eus des nouvelles de sa maladie par une de ses cousines qui m’apprit également sa mort. 
   Mon chemin, de mes six ans où j’embrassais le front glacé de mon grand-père avant d’aller pleurer, caché derrière un meuble, à l’âge qui est le mien aujourd’hui sans avoir pu baiser hier le front de Guillaume, mon chemin fut parsemé d’amours qui ne sont plus, comme autant de grains de blé à moudre pour pétrir mes souvenirs. 
   Avoir la sagesse de Socrate pour qui la mort n’était qu’une étape. 



   Promenade sous le doux soleil de septembre. Avec le chien, de retour assoiffé. Une couple d’heures à ramasser des mûres. Cette année encore les ronces furent garnies mais les fruits, par manque d’eau, sont petits, rabougris parfois, desséchés bien souvent. La cueillette fut maigre. À peine de quoi faire deux tartes. En revanche des myriades de mirabelles nous furent offertes. Confiture et dessert sont au programme. 
   De quoi penser à autre chose.

Yann Moix, exista-t-il ?

21 août 2019 § Commentaires fermés sur Yann Moix, exista-t-il ? § permalien



   Yann Moix est, paraît-il, un chroniqueur qui sévit à la télé. Lorsque j’entends – du moins et plus précisément lorsque je lis – sa critique envers Valérie Damidot qui se moqua de sa virilité rikiki, sachant que les intervenants télé ne brillent pas toujours pour leur maîtrise du français, ce qui n’est pas un reproche en raison de sa difficulté, je reste abasourdi face à la maestria dont il fit preuve. Car, se targuant d’être un écrivain, le sus-nommé fit un louable effort de grammairien dévoué à la cause du subjonctif afin d’épater une galerie de trois crétins qui s’esclaffèrent. Au risque de passer au mieux pour un nouveau Trissotin, au pire pour un cuistre. 
   Yann Moix connaît la concordance des temps. C’est évident. Dans son emploi littéraire s’entend. Car dans la langue courante moderne, son discours ressemblait plus à du galimatias à l’usage des pédants, appliquant à la lettre la règle qui veut que, si la subordonnée est au subjonctif lorsque la principale est à un temps passé de l’indicatif, le verbe est alors à l’imparfait dans le langage littéraire. Ainsi est-il loisible d’écrire : « Je ne savais même pas qu’elle existât. » Mais plus modestement, de façon contemporaine et surtout selon que le sens l’exige il eût été sans doute plus correct et surtout plus compréhensible de dire : « Je ne savais même pas qu’elle existait. » selon la règle qui veut que si la subordonnée est à l’indicatif le verbe est à l’imparfait. 
   Désormais il sait donc qu’existe Valérie Damidot. Quant à moi je ne savais même pas que tant de gens puissent dépenser une telle énergie pour de telles billevesées. 
  Il existe, à l’usage de ceux qui veulent écrire ou parler sans emphase mais correctement, des ouvrages incontournables comme le Bescherelle, le Bescherelle pratique ou le Grévisse vers lesquels se précipiter afin que leur cerveau avide de savoir trouvât matière à pétrir. C’est peut-être beaucoup demander pour un chroniqueur qui a, semble-t-il, dépassé le stade de l’apprentissage mais non celui de l’adolescence pour ses amours et celui du complexe d’œdipe vis à vis de ses parents.

Chemin

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