Épigramme et couvre-feu

16 janvier 2021 § 2 commentaires § permalien

Simonide de Céos, illustration tirée de La Chronique de Nuremberg (1493).

   Qu’est-ce qu’une épigramme ?

   Non, ce n’est pas le poids d’un épi de blé ou de maïs, OGM ou non.

   L’épigramme, genre littéraire à part entière, fut d’abord dans l’antiquité une inscription, une épitaphe, pour se souvenir d’un héros ou d’un évènement, gravée sur un monument, un tombeau, une statue comme l’indique son étymologie, du grec έπιγραμμα (de έπιγραφω graver sur).

   En prose ou en vers, courte, directe, synthétique, elle allait, et va, droit au but. Un site scolaire la caractérise ainsi : « Une épigramme est un court poème satirique : elle critique avec humour.
L’épigramme se termine généralement par une pointe, une petite phrase cinglante. »   Des imbéciles voudraient la nommer « punchline » !

   Elle n’est pas née d’hier ; au VIe siècle avant J-C selon Hérodote, sous le calame de Simonide de Céos en mémoire de la bataille des Thermophiles.

   Le genre fit florès sans doute grâce à son côté succinct. Des Grecs, elle passa chez les Latins pour parvenir jusqu’à nous, perdant au passage élégance et politesse pour ne conserver que son côté satirique.

   Anonyme ou signée, l’épigramme traversa donc tous les âges. Éloquente, élogieuse, érotique, railleuse, obscène, assassine, élégante, spirituelle, satirique, grossière, et la liste n’est pas exhaustive, nous la retrouvons à son acmé au XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle sous la plume de pratiquement l’ensemble de nos poètes hexagonaux. De Clément Marot à La Fontaine, de Racine à Voltaire, de Piron à Rousseau (Jean-Baptiste, pas l’autre). Tous pratiquèrent le genre leur valant parfois bastonnade ou exil. J-B Rousseau qui en fut spécialiste mourut pratiquement dans la misère en Belgique où il s’était retiré pour ne pas subir auparavant pire châtiment à cause de ses vers. Il s’était fâché avec Voltaire le trouvant en revanche trop obscène dans leur rédaction.

   Et bien sûr sous la férocité des anonymes que les mazarinades et autres pamphlets exaltèrent, l’épigramme explosa comme les petites phrases de Twitter, ce qui me fait dire que l’inventeur du réseau social s’en serait inspiré.

   L’épigramme la plus célèbre, de mon point de vue, est celle de Voltaire contre Fréron. Ce dernier, critique nul, ennemi des philosophes, défenseur des idées monarchiques et religieuses, dut à l’épigramme de Voltaire ci-dessous, sa seule gloire terrestre :

« L’autre jour au fond d’un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron.
Que pensez-vous qu’il arriva ?
Ce fut le serpent qui creva. »

   Ça vous rappelle quand même quelque chose, non ?

   Mais l’épigramme eut aussi pour ses adeptes des conséquences plus dramatiques qu’un simple exil ou la misère. Ossip Mandelstam après son épigramme pas même écrite (elle ne le sera que devant le juge) mais divulguée de mémoire sur Staline, fut arrêté, déporté, condamné aux travaux forcés où il mourut. Ainsi l’un des plus grands poètes russes fut-il à jamais bâillonné.

   N’étant pas spécialement familiarisé avec Twitter, qui d’ailleurs la rejetterait en raison de sa longueur, j’ai préféré écrire ici cette épigramme à propos du couvre-feu et des interdictions qui vont faire plus de morts bientôt que le virus lui-même.

   Je vous la laisse lire.

« Ces petits soldats de Macron,
Ministres poltrons qui ne sont
Du couvre-feu que ses clairons,
Peinent à jouir à l’unisson
En répétant cette chanson,
« Cloîtrons la vie, craignons Charon »,
Et montrent ce que nous savions :
Qu’ils n’ont rien dans leurs caleçons. »

Voyage à Anticyre

31 décembre 2020 § Commentaires fermés sur Voyage à Anticyre § permalien

 

Gustave Doré – Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’Enfer – 1861 – Musée municipal de Bourg-en-Bresse

 

    La ville d’Anticyre, en Phocide, terre sacrée de la Grèce antique, célèbre autrefois pour l’Hellébore que l’on y cueillait, fut à l’origine d’un dicton : « Avoir besoin d’un voyage à Anticyre. »
Diable ! Que signifie ? L’hellébore, ou ellébore, sorte de renoncule, avait un pouvoir purgatif, mais plus encore pensait-on la faculté de rendre la leur à ceux qui l’avaient perdue. L’hellébore (du grec Ελλέβορος) avait donc une fonction cathartique étendue en guérissant aussi de la folie. D’où maître aliboron qui signifiait (seule étymologie que je retiendrai) docteur qui administre de l’hellébore avant de glisser par contresens, ou parce que notre plante est inactive, vers notre baudet. De savant le sobriquet signifia quelqu’un qui sait tout et ne fait rien d’utile. Un âne.
Bref, venons-en à mon propos qui voudrait que certains qui nous gouvernent eussent un urgent besoin d’un voyage à Anticyre pour, comme le disait La Fontaine dans le Lièvre et la Tortue, « Ma commère, il vous faut purger avec quatre grains d’ellébore. » Les décisions qui sont prises devenant ineptes. Et surtout, surtout, déglinguent, détraquent les esprits, particulièrement ceux peu formés d’une jeunesse qui se devrait être insouciante.
Figurez-vous que pour ces fêtes, ma petite fille âgée de seize ans prévoyant de festoyer avec quelques amis, s’inquiétait de voir la police débarquer intempestivement et de verbaliser tout le monde en pénétrant le lieu de perversion où neuf enfants, au lieu des six préconisés par les aliborons du ministère, boiraient du sauternes entre deux jets de serpentins en cette nuit de nouvel an.
Nous eûmes beau vouloir la rassurer, son père et moi, rien n’y fit. Elle demeura convaincue, comme les autres lurons de sa bande, que maréchaussée ou autres keufs avaient tous les droits pour leur glisser les mains dans le chapelet et les conduire manu militari en calèche.
Nous ne le répéterons jamais assez, la police n’a pas tous les droits et particulièrement celui de pénétrer chez les gens, de jour et non la nuit, sans commission rogatoire. Même après dénonciation de voisins bilieux pour tapage nocturne. Il ne s’agit en rien de terrorisme, mais d’une interdiction temporaire et stupide de ne réveillonner qu’en comité restreint, puis de dormir sur place. Par conséquent nous lui conseillâmes, qu’ils soient six, neuf ou soixante, peu importe, dans un souci de salut public d’envoyer paître ces gardiens de la paix si d’aventure ils pointaient leurs mufles suspicieux sur le devant de leur porte en graillonnant comme des covidés.
Il est quand même impensable qu’à force de discours angoissants, de bourrage de crâne, de lavage de cerveaux, on puisse transformer une jeunesse pleine d’idéal, d’entrain, de joie de vivre, en serpillière craintive d’un avenir qu’on lessive à grand renfort de prédictions dantesques.
Le chemin de la vie est semé d’embûches, de dangers, d’obstacles. Les virus, bactéries et autres pathogènes en font partie. Les flics aussi. Le propre de la jeunesse est d’en faire fi. Si à seize ans la crainte doit guider les actions, qu’en sera-t-il à l’âge mûr ? Nos sociétés œuvrent pour un avenir radieux, lisse, à la chinoise, de clones anxieux, pusillanimes, terrés dans l’étroitesse de leurs cavernes, approuvant toutes les impostures.
Fourier déclarait que « Le recours à la contrainte est précaire et dénote toujours un manque de génie », mot sensé qu’Alain aimait répéter.
Nos gouvernants ? Des ânes, vous dis-je, qui auraient bien besoin d’un voyage à Anticyre pour y suçoter des grains d’hellébore. Au moins ça leur purgerait les entrailles à défaut de l’encéphale.

Couvre-feu

19 octobre 2020 § Commentaires fermés sur Couvre-feu § permalien

 

 

   Couvre-feu. Terme de guerre. Ce mot résonne comme une menace et non comme promesse de guérison. D’ailleurs il est assorti d’une convention punitive. Comme jadis. Celle ou celui qui ne respectait pas cette atteinte à la liberté était arrêté. Voire fusillé si suspecté de terrorisme. Nous y revenons. En cas de récidive, de sorties non autorisées, d’absence de laissez-passer, forte amende et six mois de prison. Pour un virus que rien ni personne n’arrêtera, comme les autres virus qui, on ne sait trop pourquoi, vont, viennent, disparaissent, réapparaissent, au gré des contaminations. Et il en existe des milliers, et de bien pires. N’oublions pas que celui qui nous préoccupe actuellement se propage moins vite que celui de la grippe même s’il est un tantinet plus délétère. Et si guerre il y a, elle est personnelle et non étatique, chaque individu étant exposé à chaque instant de sa vie à de multiples agents pathogènes contre lesquels il doit lutter. Avec l’aide de la médecine parfois, mais le plus souvent sans qu’il le sache, le conflit et la victoire passant inaperçus.

   Ils ont peur de la mort et elle rôde à chaque seconde au plus profond de la vie.

   Je ne dis pas qu’il ne faut pas se protéger, notamment dans les lieux de soins ou de résidences, hôpitaux, asiles et autres maisons de retraite publiques ou privées. Là c’est le bon sens, ailleurs c’est l’outrance. Tout comme il est prudent de se faire vacciner contre la grippe, puisque vaccin il y a, à la différence de la Covid. Lorsque la solution thérapeutique existe il est judicieux de l’utiliser, sinon c’est faire preuve de sottise et militer pour l’instauration de mesures liberticides, moralisatrices parfaitement inutiles mais intellectuellement sécurisantes.

   Car nos gouvernants se protègent. Je les comprends. Déjà se profilent les cohortes de crétins — bien souvent adversaires des vaccins qui plus est — qui portent plainte, drogués à l’assistanat qu’ils sont. Avec des avocats mercantiles pour les entendre et des juges sans conscience pour diligenter des perquisitions. Demain, pour un rhume banal, dont l’agent est l’un des quelque deux cents virus potentiels, dont des coronavirus, une personne éternuant sera considérée pestiférée mais assez lucide pour déposer une plainte contre l’État qui n’aura su la protéger. Nous voyons que c’est déjà le cas.

   Alors ne reste que la coercition pour donner une apparence d’action.

   Et vous verrez que des abrutis fascisants réclameront la peine capitale contre ces terroristes qui, comme moi, pensent que tout ce vacarme est très exagéré, ne sert pas à grand-chose sinon à provoquer un cataclysme bien plus conséquent dont les vagues successives n’ont pas fini de déferler.

   Le monde vit le syndrome de Diogène, celui-là même qui conduisit Howard Hughes à vivre reclus et mourir, non pas des microbes dont il avait peur, mais de solitude, dénutri, cachectique et complètement dingue.

Chemin

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