Mal masqué à l’Ehpad

11 mars 2020 § Commentaires fermés sur Mal masqué à l’Ehpad § permalien

Érasistrate découvrant la cause de la maladie d’Antiochius – J-L David – 1774 – ENSBA

     Après avoir imposé bien inutilement le port du masque pour une apparence de bal masqué des non-vaccinés contre la grippe, la direction de l’établissement où je me rends quasiment chaque vendredi vient d’en interdire l’accès aux visiteurs pour cause d’épidémie au coronavirus. Ces mesures, sans doute nécessaires afin d’éviter aux personnes âgées une contamination apportée de l’extérieur, sont en contradiction avec une partie non négligeable du personnel désigné à la vindicte par le port d’un masque non adapté que je suggérais en préambule ne pas servir à grand-chose. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord le virus étant infiniment petit (de l’ordre de 10 à 400 nm) passe au travers les mailles. Ensuite, mal positionné qu’il est, manipulé intempestivement ou glissé sous le menton, il devient illusoire pour la personne en face de celui ou celle qui le porte. La seule protection contre la grippe et sa dissémination étant le vaccin. Controversé par ces irréductibles avec qui je bavardais, l’une d’entre elle m’affirma qu’elle croyait plus en ses défenses immunitaires pour tuer le virus, et une autre, plus catégorique, qu’elle était contre les vaccins. J’ai bien senti, dans la façon qu’elles eurent de répondre à mes questions maladroites, une certaine animosité à mon égard, du type : « de quoi je me mêle ! » Surtout que la société fait tout un remue-ménage pour un virus inconnu contre lequel n’existe aucune thérapeutique et que même sans vaccin on arrivera bien à s’en débarrasser. Alors, un de plus ou de moins, nos défenses naturelles sauront bien les vaincre, tous autant qu’ils sont.
     Et vous avez bien raison, les filles ! D’ailleurs je partageais la même conception que vous il y a encore peu. D’autant que j’émergeais d’une période où les vaccins se cantonnaient à quelques pathologies, la grippe n’étant pas encore inscrite dans le bataillon préventif. Eh, quoi ! pensais-je, la grippe je l’ai eue, et bien eue, puisque délirant dans un coma dont on m’a dit qu’il fut sévère aux alentours de mes trente ans. Je l’avais bien vaincu, ce fichu virus. Je devais donc être immunisé. Que nenni ! Les anticorps d’un virus passé n’agissant guère sur sa mutation future. Mais après tout, j’étais seul responsable de mes souffrances éventuelles, voire de mon décès, en refusant l’aide apportée à mes défenses immunitaires, puisque cette pathologie provoque, bon an, mal an, quelque 10 000 morts en France.
     Certes, en ce qui me concernait, il m’était loisible de l’admettre et ne pas me vacciner, mais qu’en était-il de ceux que je côtoyais ? En rien ils n’étaient responsables de mes éventuelles errances tactiles, projections salivaires, éternuements et autres possibles contacts contaminants. Et c’est en cela que la responsabilité incombe à chacun, soit de rester cloîtré si l’on refuse toute prévention, soit d’éviter par le vaccin, si tant faire se peut, toute contagion possible lorsqu’on approche quotidiennement des êtres fragiles en période épidémique. Il ne s’agit nullement d’aller contre le libre choix de chacune et chacun d’entre nous, mais convenir de la responsabilité que l’on prend et d’en accepter toutes les conséquences qui peuvent s’avérer dramatiques, tant pour soi que pour les autres. Pour soi en devenant l’accusé, tout d’abord de sa propre conscience, ensuite face à la victime, c’est-à-dire l’autre ou ses proches.
     Enfin, et pour conclure, la possibilité, quand bien même serait-elle faible, de transmettre le coronavirus étant déjà largement suffisante, celle d’en ajouter un second, alors qu’il est possible de l’éviter, participe de l’inconscience.
     Celle de la jeunesse et de sa certitude de vaincre. Seulement voilà, jeunesse rêve, vieillesse décompte, selon le proverbe.

Coronavirus, une sacrée peste

28 février 2020 § Commentaires fermés sur Coronavirus, une sacrée peste § permalien

Saint Roch faisant l’aumône aux malades de la peste – Carrache – 1594 – Dresde – Gemäldegalerie, Alte Meister

     Leur mère les a emmenés à Bali pour les vacances de février. Destination mieux adaptée pour une lune de miel que pour un séjour touristique en cette période virale. Bien que les photos que j’ai pu voir montrent là-bas l’absence totale de l’épouvante qui prévaut ici alimentée par les infos continues. L’album pourrait s’intituler « zénitude à Bali » tant les esprits paraissent méditer plus que s’émouvoir. Le voyage de retour cependant impose une escale à Singapour, en pleine épidémie ravageuse. Conséquence imprévue pour mes petits enfants, dès leur avion posé, l’école, le collège et le lycée leur seront interdits pendant quatorze jours. Astreints à un suivi médical. Défense de rencontrer copains et copines. Cours par correspondance ou par internet. Ils appellent cela une quarantaine. Très symbolique me semble-t-il puisque l’interdiction touche essentiellement la scolarité, les sorties du domicile étant autorisées en cas de nécessité. Nous sommes loin tout de même de la ville fermée, isolée comme celles de Chine et bientôt d’Italie ou celle imaginée par Camus à cause de la peste, titre de son roman, Oran où il situa l’action. Un mot à propos de l’histoire qui n’est qu’un prétexte, une métaphore pour lutter contre tout despotisme, je ne peux la lire sans songer que son intrigue est illogique et les péripéties superfétatoires tant un banal antibiotique de type cycline permettrait de ne pas aller au-delà du premier chapitre, la maladie se traitant sans aucune difficulté puisqu’elle n’est pas due à un virus mais à un bacille. En 1947, année de parution du bouquin, la peste brune, encore présente dans les mémoires, n’en finissait pas d’inquiéter. S’il avait choisi « La Grippe » pour titre cela n’aurait pas fait sérieux malgré les cinquante millions de morts que l’épidémie provoqua en 1918. Prendre quelqu’un en grippe n’a pas la même connotation que le fuir comme la peste, le sujet, alors, n’aurait plus eu de raison d’être. Comme quoi un chef-d’œuvre peut se bâtir en développant des erreurs scientifiques mais également sur la peur qu’engendre un simple mot. D’ailleurs rien ne change, de nos jours encore on agit vis à vis des contaminés du coronavirus (qui n’a pas la forme d’un cigare comme son nom tendrait à le faire croire aux fumeurs ou d’une bouteille de bière aux buveurs, mais d’une couronne) avec les mêmes ostracismes que vis à vis des pestiférés de jadis. 
      Bref, les mentalités n’évoluent pas. 
     En revanche il est des situations très explicites prouvant que les failles sont inéluctables. Commandant de bord, Olivier, mon fils, effectue bientôt un vol vers Bologne. En plein cœur de l’Italie. Une nuit d’hôtel prévue. Rien d’autre. Retour le lendemain comme si de rien n’était avec un avion plein comme un œuf. Pas de quarantaine. Pas de contrôles. Plaisantant, il a promis à sa mère de fermer à clef la porte du poste de pilotage. Quelle serait d’ailleurs la solution ? Supprimer tous les vols, tous les déplacements vers l’ailleurs ? Mettre les uns après les autres les habitants de la planète en vacances forcées ou, mieux, en quarantaine ? Qui contrôlerait à terme le respect strict de l’interdiction ? Bateaux, trains, voitures, vélos, trottinettes seraient remisés en attente de jours meilleurs. Chacun se repliant sur soi. L’économie en berne. La pénurie pour avenir. Les murs s’érigeant au rythme des morts. La punition divine pour les crédules.
     Les fascistes, dont la feinte naïveté masque les relents de leur pensée, qui réclament la fermeture des frontières me font doucement sourire. Parce que, qu’ils le veuillent ou non, toutes choses étant égales par ailleurs, ce n’est pas une murette autour de leur petite demeure, des barbelés ou des soldats en scaphandres, qui arrêtera quoi que ce soit. Les frontières sont virtuelles. Aussi devraient-il cesser de postillonner, ils contaminent inutilement leurs semblables du ridicule qui les font gesticuler. Il n’est que de constater la propagation de toutes les épidémies qui sévissent ponctuellement, qu’elles soient virales, intellectuelles ou sociales, malgré les mesures que l’on peut prendre. Le virus, mille fois plus petit et sournois qu’une bactérie, se faufile partout. Sur les poignées de porte ou à travers les fibres des masques avec la même célérité néfaste qu’une ineptie de Trump ou un krach boursier. Il y en a même qui pénètrent les cerveaux et les font divaguer. Et ce qu’il y a d’essentiellement différent avec la lutte contre la contamination due à une bactérie, c’est qu’il n’y a aucun remède, hormis la patience, contre celle d’un virus. Que la contagion soit biologique ou morale. Un vaccin, sans doute, allié des défenses immunitaires peut en atténuer les méfaits, malheureusement le seul qui existe contre la sottise nécessite des doses éducatives qui ne font pas l’unanimité.

Chemin

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