Camus au Panthéon

21 novembre 2009 Commentaires fermés sur Camus au Panthéon

Camus au Panthéon ? Quelle idée saugrenue, d’autant plus émanant d’un homme pour qui la littérature est source d’ennui. Gageons que Sarkozy n’a pas même lu un chapitre d’un seul livre de l’écrivain. S’il s’en était donné la peine il saurait ce que représentait pour le gisant de Lourmarin, cette apothéose de l’emphase.

Prix Nobel, il ne le refusa pas à l’inverse de Sartre, mais s’interrogea sur sa pertinence en ce qui le concernait, ayant pour sa part, s’il avait été sollicité, choisi Malraux sur lequel il avait eu projet d’écrire un essai. Dans son discours de Suède, dédié à Louis Germain, l’instituteur qui avait su discerner chez l’enfant pauvre d’Alger tout le possible dont il était porteur en le présentant à l’examen des bourses en mai 1923, Camus précise que l’artiste ne peut vivre hors de son temps, de son époque et plus encore :  » Je n’ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d’être, à la vie libre où j’ai grandi. « 

Mais de cela il ne s’agit que de broutilles, comme ce le serait de dire qu’il était libertaire jusqu’au bout des ongles, soutane dont l’affublent tous ceux qui n’ont rien d’autre à dire.

Épris de justice et de liberté, oui, jusqu’à rejeter toute idée de vengeance violente :  » A la haine des bourreaux a répondu la haine des victimes «  dit-il à propos des exactions commises après la Libération, sur les collaborateurs ;  » C’est à l’ennemi qu’on cède encore… il faut guérir ces cœurs empoisonnés… « . Si c’est cela être libertaire pour eux, je leur laisse bien volontiers le vocable, car le baptisant ainsi ils reconnaissent implicitement la normalité des crimes commis au prétexte de rendre justice. L’homme révolté n’est pas libertaire, il s’insurge contre la bêtise et l’inhumaine condition que, d’un bord ou de l’autre, les hommes font vivre à d’autres humains. Tout simplement. Il s’agit ni plus ni moins que d’être juste.

Et puis, que Sarkozy veuille à nouveau récupérer l’image d’un humaniste qui, n’en doutons pas une seconde, l’aurait combattu, n’est en rien faire preuve d’admiration pour l’œuvre et l’auteur, mais participe d’une vulgarité politicienne éhontée et d’un orgueil imbécile à l’opposée de l’humilité dont était pétri Camus.

Qu’importe ? questionneront quelques uns, après tout c’est un hommage que la France rend à l’un de ses écrivains et que ses ossements reposent sous la terre du Lubéron ou sous les voûtes lugubres du mausolée qu’on aperçoit à gauche en remontant la rue Saint-Jacques, il doit s’en moquer aujourd’hui qu’il n’est plus.

Pas si sûr.  » Mon royaume tout entier est de ce monde « , écrivait Camus dans Noces, et son combat était celui d’abattre les prisons de pierres que bâtissent les hommes où ils claquemurent leur esprit. Il n’est que de lire les dernières pages de l’essai que lui consacra jadis Morvan Lebesque le citant :  » Si la seule solution est la mort, nous ne sommes pas sur la bonne voie. La bonne voie est celle qui mène à la vie, au soleil. « 

Le soleil ne caresse jamais les tombeaux du Panthéon.

Les citations sont extraites de « Camus par lui-même » – Morvan Lebesque – Ecrivains de toujours – Editions du Seuil. Ainsi que de son discours de Suède pour la première de ce texte.

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