Dans son « Histoire ecclésiastique des Francs », Grégoire de Tours traite d’un épisode qui se déroula sous le règne du roi Chilpéric 1er(1) qui, dans son royaume, augmenta les taxes.
Vous verrez par là que la réaction allergique qui résulte d’une telle annonce n’est pas nouvelle et que Mme Françoise Hardy avec quelques autres, notamment sportifs, dans le syndrome d’exil qu’ils présentent n’est que l’effet secondaire compréhensible et plus que millénaire d’une thérapeutique fiscale douteuse.
Cela se passe au cours du VIe siècle et voici ce qu’écrit Grégoire :
» Cependant le roi Chilpéric fit dresser par tout son royaume des rôles pour des impositions nouvelles et très pesantes. Pour ce motif beaucoup de gens, abandonnant les villes de ce pays et les biens qu’ils possédaient, se réfugièrent dans d’autres royaumes, aimant mieux aller ailleurs en étrangers que de rester exposés à un tel péril; car il avait été statué que chaque propriétaire payerait pour sa terre une amphore de vin par arpent. On avait aussi imposé, pour les autres terres et pour les esclaves, d’autres redevances nombreuses : c’était inexécutable. « (2)
On se révolta dans le Limousin, comme on se révolte aujourd’hui en Grèce ou en Espagne, mais dans les années 500 la répression fut terrible, condamnant au bûcher des manifestants. La suite, que vous pouvez lire sur le site Gallica de la BNF, sort du cadre de mon sujet et je ne l’aborderai pas, il est simplement à noter que plus de 1.500 années plus tard les peuples acculés au désespoir par des politiques d’austérité stupides réagissent à l’identique.
Ne sortons donc pas du cadre des taxes et voyons la proposition de F. Hollande qui envisage de fixer à 75% le prélèvement sur les revenus supérieurs à 1million d’euros et le rétablissement du taux originel de l’ISF.
D’emblée nous l’annonçons, nous ne sommes pas concerné. Ce qui nous permet d’en parler à notre aise et rassurer la foule de nos admirateurs. Nous ne quitterons pas notre caverne, nous nous y trouvons à l’aise.
D’ailleurs, quand bien même ces impositions nous eussent-elle concerné, nous ne nous serions pas transformé en immigré pour une raison aussi futile quand on gagne tant. Les immigrés ne quittent leur patrie que parce qu’ils n’ont rien pour subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille. Ce qui doit être assez éloigné des soucis des autres qui le font par cupidité. Sans doute aurions-nous maugréé. C’est humain. Mais nous aurions payé, déductions faites des abattements habituels, applicables à tout contribuable. Or, cette notion d’égalité devant l’impôt vient malmener quelque peu la proposition du candidat socialiste car elle provoquerait une rupture dans l’application des tranches d’imposition, créant une catégorie spéciale pour une population donnée ; ce qui, convenez-en, n’est pas très démocratique. Quant à l’ISF, son retour à l’origine n’est pas une catastrophe en soi au vu de ce qui se passa précédemment, bien que doutant de sa réelle efficacité quant à son apport eu égard à son coût de mise en œuvre.
C’est pourquoi il y a peu de risque de voir Mme F. Hardy quitter Paris. Et c’est tant mieux.
A moins de réviser de fond en comble le code des impôts, ce qui reste la seule solution acceptable à condition de ne pas tomber dans la démagogie et de conserver les notions de justice et d’égalité.
Il est donc fort probable que cette annonce ne soit en fait qu’un effet plaisant offert à l’intention de ceux qui veulent y croire.
Cela étant nous ne trouvons pas immoral de gagner énormément d’argent. Si le mérite en est la source. Ce qui n’est pas le cas de quelques sportifs ou dirigeants de société, mais celui de Mme F. Hardy.
Car il ne faut jamais s’arrêter à la première impression et savoir regarder au-delà. Si un artiste, un sportif, un écrivain, un entrepreneur et que savons-nous encore de ce que nous ne serons sans doute jamais à cause du temps perdu, amasse des gains jugés considérables, par sa prestation, son talent, son travail, il permet aussi au pays dans lequel il vit d’engranger des royalties.
Mme Thatcher, qui avait bien des défauts, honora les Beatles non par amour de la musique mais parce qu’ils étaient devenus les premiers contributeurs du budget du Royaume Uni grâce aux devises que rapportaient leurs chansons. Derrière la chansonnette, le conte, l’exhibition, le spectacle, l’entreprise, il y a toute une série de métiers qui ne s’exercent et dont les acteurs ne vivent que grâce aux talents des autres. Et payent des impôts. Il y a des produits qui se vendent, et par conséquent des impôts qui en découlent. Il y a des exportations lorsqu’on a affaire à des talents internationaux, et donc des rentrées d’argent dans les caisses de l’état. C’est une cascade qu’on risque de voir se tarir par délocalisation et par voie de conséquence écorner les finances de la nation.
Ce serait gagner peu pour perdre beaucoup par la mise en place d’une mesure à caractère plus vexatoire qu’honnête vis à vis de ceux offerts à la réprobation des masses, que l’on sait friandes d’os à ronger afin qu’elles oublient qu’elles seront concernées également.
En revanche, revenir à une taxation raisonnable telle qu’elle existait autrefois, ne serait pas outrancier et aurait au moins le mérite d’être applicable et juste. Toutefois, ne nous faites pas dire ce que nous n’approuvons pas, c’est à dire la stérilité de quelques fortunes amassées sans contrepartie, comme celles de ces footballeurs rémunérés au-delà de ce qu’ils méritent, de ces patrons qui s’augmentent sans vergogne ou encore de ces spéculateurs qui jouent avec le portefeuille des autres. Ceux-là ne méritent que mépris mais ne doivent pas devenir l’exception qui confirme le bien-fondé d’une mesure absurde. Après tout, grand bien leur fasse, ils demeurent quand même minoritaires et l’on n’empêchera jamais quelques profiteurs d’abuser de la stupidité du système.
C’est ce dernier, en effet, qui doit être réformé et non ses conséquences. C’est ce à quoi doit se frotter le candidat Hollande plus que d’annoncer des mesures qui effrayent les uns ou réjouissent les autres et n’ont guère de chance d’être appliquées.
Si l’impôt est nécessaire, il ne doit pas être ressenti comme une injustice, or les finances des États sont d’une telle déliquescence qu’on s’achemine vers ce sentiment si l’on pense pouvoir combler dettes et déficits uniquement par son moyen et ce n’est pas en opposant les uns aux autres qu’on fera accepter des prélèvements inévitables.
C’est en relançant la croissance et la consommation que l’on y parviendra. Tous les candidats ne parlent que de taxer, seul Hollande y ajoute cet aspect fondamental. D’ailleurs salué par le Financial Times(3 & 4).
1- Chilpéric 1er
2- Livre V chapitre XXIX
3- Le Point
4- Bigbrother Le Monde
Voir le billet sur Le Plumier
j’aime assez la référence historique. ton analyse me parait pleine de bon sens .a+.
Comme quoi le temps passe mais les ressorts humains subsistent.
Merci de ton commentaire.