L’esprit ailleurs en cette période qui me ramène cinq années en arrière, je crois que j’aurais gardé le silence si Bayrou ne s’était prononcé sur son vote. Non qu’il ait appelé ses électeurs —qui, de quelque côté l’on se tourne sont seuls décisionnaires d’un choix qui n’appartient à nul autre— à reporter leurs voix sur Hollande, mais l’annonce de son vote pour le candidat socialiste est déjà la marque de son humanisme. Par conséquent je m’en réjouis et je le dis. Il a su faire abstraction des réticences qui l’ont toujours éloigné de la gauche pour s’en rapprocher le temps d’une élection afin que soit enfin rétablie l’image d’une France tant écornée depuis cinq ans. Demain, réélu dans sa circonscription béarnaise, il se positionnera naturellement dans l’opposition, mais ce sera un adversaire de talent et je ne doute pas un instant de le voir approuver, lorsqu’elles le mériteront selon son jugement, des propositions émanant de la majorité future. C’est aussi cela la démocratie, sereine et juste, lorsqu’elle est menée par des hommes de culture et de pensée.
S’abstenir ou ne rien dire en cette période charnière où le choix d’une société peut basculer vers l’abîme de la violence ou, au contraire, vers le sommet d’une paix retrouvée sans rien minimiser des efforts à accomplir, eût été la marque de l’inconscience. Mais il a su s’exprimer et les mots qu’il employa tonnent tel un verdict impitoyable à l’encontre de celui qu’aucune forfanterie n’arrête. Et puis, enfin, être du centre, c’est aussi ne pas toujours s’agenouiller devant les autres. C’est peut-être là, par parenthèse, tout le drame qui mine ce parti de notables provinciaux qui, malgré les multiples déchirements internes, se sont toujours retrouvés pour s’allier avec la droite et approuver jusqu’aux choix les plus attentatoires à la devise républicaine. Sans doute aujourd’hui la coupe était-elle un peu trop pleine du breuvage amer de l’indécence liberticide.
Bien sûr les partisans du conculcateur de la morale n’éprouvent-ils pas la même satisfaction que ceux de l’intègre, loin s’en faut, et je conçois fort bien la déception que peuvent ressentir ceux qui souhaitaient, espéraient le ralliement du centriste. Ils le disent et c’est bien normal. Mais il y a façon et celle de Copé pensant —cet oxymore!— de la décision de Bayrou « …qu’elle est plus motivée par un dépit personnel que par des vraies raisons de fond » est indigente et montre, s’il en est encore besoin tant on l’entend réciter des brèves de comptoir en lieu et place d’arguments, qu’il n’a aucune notion de ce que peut être l’honneur d’un choix difficile quand il s’agit de ne pas bafouer les principes qui dirigent une existence.
Cet homme, décidément, ne comprend rien. Il est creux comme un tambourin qui ne résonne que sous les baguettes du batteur qui l’utilise et sans lequel il n’est rien.
A la différence de Bayrou qui a su ne pas vendre son âme au diable.