La sagesse d’un chef

20 octobre 2010 Commentaires fermés sur La sagesse d’un chef

J’entends dire et je lis un peu partout que Sarkozy ne modifiera pas d’une virgule son projet de réforme des retraites et n’ouvrira pas à nouveau les négociations. C’est sans doute vrai.
Tout d’abord son caractère le lui interdit. L’absence de souplesse intellectuelle des enfants têtus et bornés en est une preuve. Ensuite sa politique qui le conduit à surenchérir dans l’intransigeance pour satisfaire d’hypothétiques électeurs, en est une autre. Car, qu’on ne me dise pas que la pertinence de cette réforme, malgré les affirmations qu’on multiplie ces jours, est réelle et devient la nécessaire raison. Nul n’y croit, pas même ceux qui vont s’empresser de la voter de leur train de sénateur qui s’achemine vers le butoir.
En premier lieu cette réforme est en elle-même une hérésie. Elle ne fait que transposer un coût supporté par un organisme, celui, de manière globale, des caisses de retraites, vers un autre, celui de l’Unedic. Coût chiffré par cette dernière caisse à 265 millions d’euros minimum la première année de son entrée en vigueur.
Ensuite à plus long terme la situation réapparaîtra à l’identique si le marché du travail ne se rétablit pas. Les seuls lésés dans cette aventure seront, comme toujours, les salariés qui devront trimer un peu plus pour des retraites encore moins valorisantes que celles d’aujourd’hui, l’augmentation quasi certaine des années de chômage qu’ils subiront défavorisant leur salaire de référence. Or, établir une réforme telle qu’elle s’apparente aujourd’hui, c’est entériner la volonté de ne rien faire pour inverser le désastre économique du pays. Tout se passant comme si on posait la pétition de principe suivante : la réforme est bonne car elle permet de continuer comme par le passé en sauvant les retraites. Or, la démonstration est loin d’être probante et n’avantage que les détenteurs du capital.
Mais admettons qu’il soit nécessaire de réformer le régime des retraites, comme nombreux le pensent, à tout le moins l’uniformiser afin d’éradiquer ces différences éhontées qu’on constate aujourd’hui —comme celle concernant les politiques eux-mêmes— et qui entretiennent ce sentiment d’injustice ressenti par une majeure partie de la population. Si on veut le faire ce ne peut l’être que par la négociation, le dialogue et non l’autoritarisme. Autoritarisme qui laisse sous-entendre une autre volonté, celle de supprimer, tout au moins minimiser, le système par répartition au profit d’un autre, forcément injuste, celui de la capitalisation personnelle. Comment peut-on penser qu’un ouvrier qui gagne à peine de quoi survivre puisse, en plus, thésauriser? Sauf à vivre dans un autre univers déconnecté de la réalité.
Dans les bouquins de management, ou précis de direction, il est rappelé qu’un objectif ne peut être atteint que s’il est accepté par l’ensemble des protagonistes. Celui qui le donne tout autant que celui qui doit en exécuter les modalités. Seule une adhésion complète permet son aboutissement. Or cette adhésion ne s’obtient que par le dialogue. Je me souviens qu’à cette époque du début de l’informatique, des modélisations de situations de blocage qu’il fallait tenter de résoudre, étaient soumises aux apprentis dirigeants. Il va sans dire que les plus intransigeants, dans les jeux de rôles, allaient vers le chaos, ou le KO c’est selon, la morgue entre les lèvres. La situation d’aujourd’hui ressemble à s’y méprendre à ces modèles créés sur le réel. A croire que ceux qui nous dirigent n’ont fait aucun profit de ces expériences passées.
Mais le plus invraisemblable, et c’est ce en quoi Sarkozy se leurre, est sa foi inébranlable que montrer une autorité aussi désuète lui apportera les voix qu’il espère. Ces voix risquent fort de lui reprocher ultérieurement de n’avoir su créer que des frustrations laminant l’ardeur au travail. Le désespoir ainsi suscité ne peut en effet que favoriser le désintérêt au détriment de l’ouvrage à réaliser. C’est ainsi, celui à qui l’on n’apporte aucune reconnaissance se renferme dans la rancœur et le rejet, la volonté de trouver ailleurs et notamment dans la contestation larvée et continuelle, un intérêt à son existence.
La sagesse d’un chef exige de lui d’être attentif, à l’écoute de ceux qu’il commande. Ce n’est pas se dévaloriser, c’est au contraire se grandir. Sinon on ne forge que des mutins.

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